Halloween, comme Vendredi 13, Freddy Krueger ou Hurlements, est devenu depuis les années 1980 une franchise du cinéma fantastique, ayant donné naissance à une flopée de suites diversement inintéressantes. Mais en tant qu’ancêtre du slasher tel qu’on le connaît aujourd’hui (avec Vendredi 13), Halloween possède une aura bien particulière, et représentait un vrai défi pour le cinéaste cinéphile qu’est Rob Zombie. Défi relevé, certes avec lourdeur parfois, mais relevé malgré tout.
Après la réussite éclatante de son précédent film, The Devil’s Rejects, Rob Zombie apparaissait, avec sa cinéphilie profonde et bien plus subtilement exposée que celle de Quentin Tarantino, comme le candidat idéal pour redonner vie à Michael Myers, le terrifiant tueur de la série des Halloween. Comme on pouvait s’y attendre, Zombie n’a aucunement suivi les traces, talentueuses mais finalement assez lourdes, de Wes Craven et de son autoparodique Scream. Pour son troisième long métrage, l’ex-star du rock a choisi de proposer un remake du classique de John Carpenter en y apportant une innovation de taille : approcher l’enfance du psychopathe.
C’est probablement la plus éclatante réussite du remake : donner un visage crédible, et proprement terrifiant, au petit Mike Myers. Le jeune Daeg Faerch, qui compose Mike enfant, est juste terriblement inquiétant, et filmé au plus près par un Rob Zombie manifestement conscient de l’ambiguïté terrible de ce gamin insondable et affublé d’un masque de clown déjà terrifiant (s’il n’est pas la « seconde peau » engoncée par Myers adulte), qui enfonce sans problème d’un grand coup de pelle hargneux sur la tête le petit poupon boudeur de 666 La Malédiction, Seamus Davey-Fitzpatrick. Toute la première partie du film, centrée autour des raisons qui poussent le jeune Mike à assassiner de façon horrible son père, sa sœur, et le copain de celle-ci un soir d’Halloween est tout simplement remarquable, et parvient à instaurer un malaise qui dépend au premier chef de la performance du jeune acteur, et du talent de Zombie à le mettre en scène, un talent hérité des leçons reçues, notamment, du Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper, et que l’on pouvait déjà discerner dans The Devil’s Rejects. Le plus gros risque était évidemment : Myers devenu adulte pouvait-il susciter le même malaise, la même angoisse ? Paradoxalement, à la vision de cette première partie, on est en droit de se demander si la seconde, qui constitue le cœur du remake du film original, tiendra réellement la route.
Plus âgé de 15 ans, Myers est incarné par Tyler Mane, le Sabretooth de X‑Men, qui compose un psychopathe déjà suprêmement inquiétant, alors qu’il n’a pas même revêtu le masque-gimmick du film. Massif, sombre, l’acteur ne montrera jamais son visage, sinon derrière une collection de masques tous plus inquiétants les uns que les autres, avant même l’intervention du célèbre masque blanc de la saga. Ce deuxième film dans le film se rapproche largement plus que la première partie d’un remake du chef d’œuvre de Carpenter, et c’est peut-être ce qui pèche vraiment : Zombie semble aligner avec application des meurtres d’une violence redoutable (sa marque de fabrique), mais qui suivent les desiderata du slasher moyen. Pourtant capable, comme il l’a montré dans The Devil’s Rejects, d’intégrer complètement ses références pour se les approprier (ce en quoi il est infiniment supérieur au Tarantino de Boulevard de la mort, notamment), Zombie semble ici paralysé par la nécessité de respecter le film qu’il reprend. Mais son style transparaît malgré tout, notamment dans une cinématographie bleu-vert (et donc étymologiquement glauque) parfaitement adaptée à son sujet, et dans une science consumée des détails (son traitement du masque de Myers, qui prend dans ce remake un aspect presque véritablement humain, en constitue une belle preuve).
Par rapport à son précédent et très personnel The Devil’s Rejects, le Halloween de Rob Zombie constitue une déception, certes, mais aussi une opportunité d’étudier comment ce cinéaste précis parvient à se sortir des contraintes de l’exercice de style du remake. Fondamentalement, c’est dans le traitement de la musique que l’on peut discerner l’essentiel de sa méthode : le thème musical – peut-être la meilleure musique de film d’horreur de tous les temps – reste exactement le même. On ne touche pas aux mythes : on touche à tout le reste. Et si, effectivement, travailler sur un film de commande avec les Weinstein à la production (rôle qu’ils assumaient déjà sur le très peu surprenant Les Frères Grimm de Gilliam) semble avoir quelque peu étouffé la fièvre créatrice et le talent de Zombie pour mettre en scène la folie la plus nihiliste, son Halloween reste malgré tout l’un des remakes les plus intéressants et les plus personnels qu’il nous ait été donné de voir récemment.