Le rap français a désormais son télé-crochet. Série Netflix adaptée de l’émission américaine Rhythm + Flow, Nouvelle école nourrit l’ambition de concilier rap et télévision, en reprenant l’un des formats phares d’un média qui, depuis les années 2000, n’a cessé de mettre cette forme musicale de côté. Raté : ce mélange entre les Rap Contenders et la Nouvelle Star s’avère profondément bancal, ne sachant jamais sur quel pied danser entre la recherche sérieuse de nouveaux talents et la légitimation de la culture rapologique pour le grand public. Le décalage est frappant lors des deux premiers épisodes, où les membres du jury (Niska, Shay et SCH) se rendent dans leurs villes respectives (Évry, Bruxelles et Marseille) pour mener des auditions. Durant ce tour operator folklorique où les ambassadeurs du show livrent un aperçu très superficiel des us et coutumes du rap contemporain (clips tournés dans des parkings, collaborations réalisées lors de « séminaires », période de retranchement durant laquelle les rappeurs conçoivent une série de morceaux, etc.), aucun candidat n’est logé à la même enseigne. Courtes démonstrations, seul, à plusieurs, face aux jurés, dans le confort d’un studio ou dans la rue, avec des passants en guise d’audience : il est difficile de prendre au sérieux le caractère compétitif de la série dès lors que le tour d’horizon culturel semble prendre le pas sur l’équité de la compétition. Un sentiment que la suite des épreuves ne vient jamais atténuer, la faute à une dramaturgie éculée donnant à chaque rookie l’occasion d’échouer puis de briller au fil d’un montage où s’enchaînent les poncifs (gros plan sur un candidat qui ne sait pas qu’il va être repêché in extremis, tensions en coulisses filmées comme dans une émission de télé-réalité, etc.).
Peu intéressée par la création musicale en elle-même (une série d’ellipses interviennent lors des phases d’écriture), la série s’attache plutôt à donner une image lisse et consensuelle de la culture rap, sa dimension la plus abrasive étant priée de rester loin de cette pouponnière formatée. À plusieurs reprises, les jurés annoncent ne vouloir garder que « l’élixir » des candidats ; un tri dont les critères sont révélés lors d’une délibération du jury, dans le quatrième épisode : « Tu fais le choix de te mettre dans une niche révolutionnaire… C’est pas ce qu’on recherche… Si tu veux briller, je pense qu’il faut être beaucoup plus généraliste. » C’est le principal enseignement de Nouvelle école : pas de passage en télé sans uniformisation des images et du son.