Quoi ? Un reboot ? Juste après la trilogie de Raimi, faire table rase pour repartir de zéro est un choix qui en a déconcerté plus d’un. Parce qu’il ne s’agit, évidemment, pas seulement de changer les acteurs et refaire les mêmes films. Il s’agit de reprendre en main toute l’écriture, la pensée du personnage, donc quelque part de dénigrer cette trilogie – du moins d’acter sa péremption. The Amazing Spider-Man ne se pose pas sur les mêmes enjeux comme un concurrent à la série de Raimi, il se pose plutôt comme un renouvellement de l’approche. Ce n’est pas si nouveau chez Marvel : avant d’être les studios de leurs propres adaptations, n’oublions pas que le premier métier de la maison est la bande dessinée. Et qu’ils y ont déjà entamé, il y a une dizaine d’années, un vaste chantier de recyclage avec les Ultimate Marvel. Mettre un coup de polish à une série vieille de quarante ans (et à des films moins anciens, mais quand même déjà clairement vieillots) en réancrant les personnages dans un monde actuel, ça n’est pas une si mauvaise idée.
Coup de polish
Le premier coup de polish apposé concerne la direction artistique, acidulée, colorée, légère. Sur The Amazing Spider-Man souffle un vent pop tout à fait neuf. Même si le chiqué, l’amusement étaient de mise notamment dans le dernier volet, l’arsenal de tensions dramatiques ultra-encombrantes part ici à la poubelle. L’atmosphère est rajeunie, dans un élan beaucoup plus teen débarrassé des figures pesantes qu’étaient Harry Osborn et Mary Jane. Le deuxième coup de polish concerne l’abandon de l’artificialité : il s’agissait clairement du mode d’écriture, assumé jusqu’à l’extrême (et graduellement) dans la trilogie de Raimi, grossi par la direction des acteurs. Le surjeu étouffant de Tobey Maguire fait pâle figure devant l’interprétation sans faille d’Andrew Garfield, cent fois plus crédible en ado, jamais démesurément timide ou troublé, toujours dans le ton, même dans des scènes au fond si naïf qu’on se surprend à y adhérer : en particulier les premiers flirts avec Gwen (Emma Stone).
Le coup de patin est là : moins de facticité, plus de dynamisme. Mais la vraie réussite du reboot de Marc Webb est ailleurs : c’est l’inaptitude de Peter Parker à s’ériger en héros. Le film ne retrace rien d’autre que son hésitation à enclencher cette bascule. Une partie de la mythologie du héros est laissée à l’abandon : le secret absolu, le costume toujours prêt à surgir. L’adolescent persiste inlassablement, multipliant les erreurs idiotes, dotant le film d’un vrai gain de réalisme, intrigant et souvent comique. Il faut bien une longue aventure à Peter Parker pour atteindre cet état de dédoublement héros/identité secrète. Les scènes les plus savoureuses de The Amazing Spider-Man sont celles qui exploitent ce filon : Spider-Man, en costume, répondant à tante May au téléphone, ou portant encore son sac à dos de cours. Sur la fin, un raccord à 180° très appuyé sous-tend habilement cette soudaine bascule de l’enfant devenu homme : soudain, le monde s’inverse, dans le reflet. C’est l’histoire de l’accouchement du héros par l’adolescent.