Avengers : Endgame s’ouvre sur la disparition de la famille d’un des super-héros, faisant ainsi écho à la fin tragique d’Infinity War. De par sa conclusion, le précédent Avengers appelait à faire de l’extermination passée l’enjeu du film suivant. Plus largement, il incombe à Avengers : Endgame de parachever une série de vingt-deux films (amorcée en 2008 par Iron Man) étalée sur onze années. À la croisée des chemins entre le film post-apocalyptique, le film de guerre et le thème du voyage dans le temps, l’éclatement d’Avengers : Endgame conduit toutefois à une trop grande hétérogénéité de tons. Celle-ci donne moins le sentiment d’assister à un film qu’à une succession d’épisodes au sein d’une œuvre qui s’inscrit elle-même dans une continuité sérielle. C’est néanmoins au sein même de ses parties que le film donne à voir la désinvolture avec laquelle il traite les genres dans lesquels il s’inscrit. Dans le segment central, les héros survivants se subdivisent ainsi en trois groupes pour replonger dans autant de films du Marvel Cinematic Universe (Avengers premier du nom, Les Gardiens de la galaxie et le second volet de Thor). Le voyage dans le temps comme moyen de « revisiter » les films précédents véhicule une idée intéressante sur le papier : pour conclure la saga, les personnages doivent sonder le passé et en retrouver les images. Cette démarche d’exploration se voit toutefois court-circuitée par la trop grande disparité entre les différentes aventures des personnages au sein d’un patrimoine iconique parfois comique, parfois tragique. Ainsi, le film associe dans son montage des événements à la portée dramatique variable : d’un côté la mort de Black Widow et la rencontre entre Tony Stark et son père, de l’autre un gag où Hulk vocifère en empruntant les escaliers, faute de pouvoir utiliser l’ascenseur, alors que New-York vient d’échapper à une invasion extraterrestre.
De la conclusion à la relance
Malgré l’irrévérence volontaire qui caractérise le rapport du film aux images du passé, celles-ci organisent en son sein même une résistance. Les parenthèses font office de symptômes : le marteau de Thor, que l’on croyait détruit, est ramené du passé ; la Nébula du futur (qui projette à travers son œil des images du début du film) se fait « piratée » par la Nébula du passé avec laquelle elle partage la même matrice mémorielle, etc. Ces astuces narratives viennent automatiquement produire des rebondissements (en ramenant Thanos du passé, Nébula fait basculer le film dans sa troisième partie) et maintenir la dimension mortifère induite par cette mainmise du passé sur les images qui défilent. En dépit de son penchant pour la mort, Avengers : Endgame embrasse pourtant l’avenir avec sérénité, en témoigne l’omniprésence de figures paternelles (Tony et Howard Stark, Scott Lang et Clint Barton), dont le rapport avec leurs progénitures se voit nimbé du voile de la disparition. Les attributs super-héroïques sont également légués d’une génération à l’autre, dans une perspective qui ressemble moins à une conclusion qu’à une relance : Thor cède ainsi son marteau à Steve Rogers, qui offre à son tour son bouclier à James Barnes, ce dernier devenant alors le nouveau Captain America. Si on peut certes voir dans cette habile entreprise une grande messe volontariste, il n’en demeure pas moins que l’opposition du film à son propre titre, Endgame, a quelque chose, sinon d’émouvant, d’au moins curieux.