Qu’apporte Spider-Man : New Generation, nouvelle adaptation du célèbre comics sur grand écran ? La bande annonce promettait un film d’animation formellement innovant, introduisant Miles Morales, un jeune homme vivant dans un univers parallèle où il prend la place du défunt Peter Parker. Mordu par une araignée radioactive venue d’une autre dimension, l’adolescent se voit doté des pouvoirs de Spider-Man, auxquels s’ajoute l’invisibilité. Il comprend rapidement qu’il fait parti d’un Spider-verse où cohabitent une infinité de versions du tisseur de toile : un « Spider-Man Noir » (qui évolue dans un monde figé dans les années 1930, en noir et blanc), Spider-Ham (tout droit sorti d’un cartoon de la Warner), Penny Parker et son robot (inspiré de l’esthétique des anime japonais) et une Spider-Woman (Gwen Stacy). Ces différents emprunts témoignent du désir d’hybridité de New Generation. Plusieurs formes de la culture populaire passent ainsi sous la houlette des trois cinéastes, du manga au comics, du cartoon à l’animation numérique.
Profondeur et surfaces
Le film se distingue de ses prédécesseurs en prise de vue réelle par son graphisme qui agrémente l’animation en 3D numérique traditionnelle d’un « filtre comics » rappelant le procédé d’imprimerie par quadrichromie des planches de comic book. Cet alliage permet au film de jouer simultanément sur deux tableaux : d’une part, l’animation permet, grâce à la caméra virtuelle, de creuser la profondeur lors des scènes d’action, tout en travaillant d’autre part l’image comme une surface plane sur laquelle se superposent des bulles de texte (les pensées de Miles ou des onomatopées pour illustrer les actions sonores), des tags s’imprimant sur la caméra, des split-screens, etc. D’ailleurs, lorsque les personnages sont dans une zone floue de l’image, ils se donnent à voir tel un feuilleté dont les composantes se désaxent, comme une figure indistincte, entre du plein et du plat. Le télescopage des dimensions qui composent le multi-verse permet des irruptions plastiques comme cette araignée radioactive subissant un effet glitch ou encore les formes géométriques abstraites et colorées apparaissant à New York à la suite d’une faille spatio-temporelle. La séquence d’action finale, la plus radicale du film, synthétise ce foisonnement : le lieu de l’action y est reconfiguré en permanence par le jaillissement de formes en mouvement, comme des gratte-ciels qui surgissent d’un trou dimensionnel. Les héros combattent ainsi successivement sur la façade d’un immeuble, à l’intérieur d’un métro, etc. Ces expérimentations ne sont pas sans rappeler le Hulk d’Ang Lee, à ceci près qu’il ne se contentait pas d’un simple clin d’œil cosmétique à l’esthétique de la BD : il abolissait la coupe en faisant se mouvoir les plans comme des cases.
Récit méta
Le film se heurte toutefois à un écueil de taille : son récit méta. Par exemple, il s’ouvre sur un résumé de la vie de Peter Parker qui cite ouvertement la trilogie de Sam Rami, se moquant – de mèche avec le spectateur – du troisième volet. Cette connivence s’exprime notamment lorsque Miles, qui grandit légèrement après s’être fait mordre par l’araignée, répète à plusieurs reprises que la puberté est en cause. La métaphore de la puberté, subtilement distillée dans le premier volet de Sam Raimi à travers l’apprentissage du corps super-héroïque, est ici réduite à un argument purement textuel, surlignée par le dialogue. Par ailleurs, les scènes d’action n’atteignent jamais la lisibilité de la première trilogie. C’est que le programme de New Generation semble entraver les velléités formelles du film : à trop vouloir jouer sur la dimension réflexive, le film dilue sa singularité dans un foisonnement de références appuyées à l’univers des comics. Impossible, dans ces conditions, de révolutionner pleinement la figure de « Spidey ».