Les premiers cartons de Mad Love in New York défilent sur les images de deux junkies à la rue, Harley (Arielle Holmes) et Ilya (Caleb Landry Jones), qui s’étreignent à même le sol dans un flot de notes aquatiques et extra-terrestres composées par Isao Tomita. Leurs visages exsangues et leurs ongles noircis par la crasse sont les stigmates de leurs vies sordides. Le son des pleurs d’Harley anticipe le plan suivant, où on la voit en larmes, teintant leur idylle d’une noirceur figurée par le montage, dont l’éclatement en une série de très gros plans annonce une passion destructrice.
Le générique lui-même est divisé en deux parties, entrecoupées par un interlude dramatique dans lequel Harley se taille les veines pour prouver son amour à Ilya. Cette ouverture, longue de plus de douze minutes, étire le générique et prend la forme d’un crescendo qui trouve son point culminant dans la seconde partie. Il s’achève en effet par les hurlements sourds de la jeune femme et par le titre du film, Heaven Knows What en anglais, qui résonne ironiquement avec la suite.
La seconde partie du générique est un plan séquence qui, loin d’assurer une continuité, sème le chaos. On y accompagne l’héroïne dans sa descente aux enfers, le long d’un couloir d’hôpital desservant plusieurs chambres, semblables aux différents cercles infernaux où chaque occupant, l’air agité ou abattu, semble purger sa propre peine. Face à l’effacement de tout point de repère, le vertige s’installe : la caméra passe d’une figure à l’autre, incapable de se concentrer, ou s’attarde au contraire sur un visage avant de se mettre tout d’un coup à palpiter, au gré de brusques changements de rythme. La confusion est accentuée par le flottement du steadicam et son association inhabituelle à la longue focale qui, au lieu d’ouvrir l’espace, oppresse en écrasant toute perspective.
L’absence de son autre que la musique démoniaque et anxiogène de Paul Grimstad confère à la scène sa puissance de cauchemar, peuplé de figures étranges dont les sourires se métamorphosent soudainement en grimace. Si la caméra portée et les couleurs désaturées le rapprochent de l’esthétique brute du documentaire, le générique impressionne surtout par sa force d’abstraction, augurant le tourment abyssal dans lequel seront plongés les personnages.