Si la plupart des génériques de films sont isolés du reste de la fiction, certains peuvent parfois prendre la forme d’une séquence primordiale qui constitue l’origine du récit. C’est le cas de celui de Volte/Face de John Woo, qui s’articule autour d’une scène d’assassinat au ralenti. La séquence se déroule autour d’un carrousel où Sean Archer, agent de la CIA, passe du temps avec son enfant. Non loin de là, le terroriste Castor Troy va tenter de l’exécuter. Cette première rencontre, sans parole, entre les deux protagonistes, concentre les trois mouvements moteurs du film : le dévoilement, la confrontation puis le rapprochement de ces deux corps amenés à s’assimiler.
1) Avant de pouvoir appréhender ce qui les oppose ou les unit, Archer et Troy sont deux figures qui doivent se dévoiler. Archer apparaît ainsi avec son enfant par l’entremise de plusieurs volets latéraux, produits par le tournoiement du carrousel et de la mise au point qui transforme le passage du manège en un drapé. Plusieurs surimpressions nous rapprochent du duo père-fils après trois dévoilements entre lesquels les noms des acteurs principaux, John Travolta et Nicolas Cage, se sont inscrits. La musique enfantine de la séquence prend alors une tournure plus inquiétante et Troy apparaît après avoir retiré le drap qui dissimulait son arme. Il surgit en même temps que le titre original : Face/off.
2) Parce que Face/off peut autant renvoyer à un « visage retiré » qu’à un « face-à-face », Archer et Troy, une fois dévoilés, sont opposés via un champ-contrechamp. D’un côté Archer, en plan moyen, nage dans le bonheur, tient son enfant dans ses bras et caresse son visage. De l’autre Troy, en gros plan, tient son arme et regarde dans son viseur. Ce champ-contrechamp montrant successivement le rêve et son envers, mais aussi la proie et le prédateur, se traduit en un rapport de force déséquilibré entre Archer et Troy. Le premier ne se doute de rien, tandis que le second apparaît au contraire comme le maître de la situation.
3) Lorsque Troy appuie sur la détente, la balle part du canon puis transperce le corps d’Archer. Plus qu’une fétichisation de la violence, ce trajet ralenti de la balle permet de décomposer chaque étape d’une chaîne causale qui préfigure ce qui va rapprocher les deux rivaux durant la suite du récit. Qu’implique justement cette balle ? La réponse se trouve quelque plans après et « six ans plus tard ». Le générique se poursuit et on retrouve Archer dans son bureau, toujours atteint par le drame. Un panoramique vertical dévoile ses récompenses honorifiques avant de s’arrêter sur un pistolet. Un plan montre ensuite l’agitation des bureaux tandis qu’Archer range son arme dans son étui. Premier retournement de la longue série des va-et-vient vengeurs qui s’annoncent : c’est désormais Archer qui endosse le rôle du tueur, prêt à appuyer à son tour sur la détente. Le générique s’étend ensuite durant plus de sept minutes, prolongeant les aller-retours entre Troy et Archer permis par cette première assimilation.
