C’est le 12 décembre prochain que Manoel Candido Pinto de Oliveira fêtera son centième anniversaire et deviendra (avec un peu de chance) le seul cinéaste centenaire encore en activité. Le seul qui ait commencé au temps du muet. Et le seul qui peut se targuer d’avoir préfiguré le premier mouvement moderne de l’histoire du cinéma : le néoréalisme italien, avec Aniki Bobo (1942). Un vestige d’un temps ancien mais qui a conservé toute sa vivacité d’esprit et sa liberté de ton (comme en atteste son dernier film), indifférent aux tendances esthétiques et aux courants artistiques, nous obligeant, toujours et à chaque film, à redéfinir notre regard, à laver nos habitudes de spectateur, à mettre à jour nos perceptions. Le cinéma d’Oliveira est en perpétuelle quête de son corps, de son esthétique, de lui-même. C’est pour ça qu’il effraie et rebute, et que la critique, souvent, s’est sentie dépassée devant lui car il l’oblige à aller dans une direction indéfinie, donc peu confortable et difficile à suivre. Il a pour seul principe celui de l’incertitude. Cinématographiquement, il n’y a pas de plus passionnante énigme que ce principe.