Ce deuxième long-métrage de fiction – aux notes documentaires – de Bojena Horackova entrecroise deux récits : le premier revisite le passé d’une jeune fille tchèque débarquée en France à l’âge de 17 ans, assoiffée de liberté, laissant derrière elle famille, petit ami, pays et culture. Le second, nous conduit dans les méandres des pays de l’Est d’aujourd’hui. L’auteur semble se référer à L’étranger de Camus, tant son héroïne semble extérieure à elle-même et au territoire qu’elle traverse. Cela est signifié par les moyens de transports qu’elle emprunte : les trains, RER et bus. Toujours en mouvement, elle n’est jamais durablement inscrite dans un lieu. La référence à Camus est flagrante lors d’un monologue dans lequel l’héroïne dit de manière si monotone qu’elle a appris la mort de sa mère. C’est cette mère qu’elle laisse derrière elle au début du film. La figure maternelle – le pays – court après la voiture qui conduit sa fille vers un avenir incertain. Cette œuvre est aussi un beau document sur l’évolution des pays de l’Est et sur notre vision de l’ex-URSS. La jeune fille quitte la Tchécoslovaquie afin de rejoindre une terre de liberté : la France. Très vite, on comprend qu’elle délaisse une absence de liberté, celle des états communistes, pour une autre forme de servitude : celle du capitalisme. En France, elle vend son corps aux plus offrants et elle garde en tant que baby-sitter les enfants de la bourgeoisie et cela uniquement pour l’argent. Elle est ainsi tout aussi prisonnière que dans son pays d’origine. On l’aura compris, le discours est cohérent et intelligent du début à la fin du métrage, l’auteur nous interrogeant sur notre conception européocentriste de la notion de liberté. En outre, la cinéaste nous livre des témoignages de personnes qu’elle a rencontrés lors d’une traversé de l’ancien bloc soviétique. Les paroles s’intègrent alors avec succès à la fiction présentée, tels des fragments de la personnalité de la jeune fille. Un film beaucoup plus complexe que son apparente simplicité.