Le cauchemar du cinéma de genre à la Quinzaine continue. Cette fois-ci, on faisait miroiter un thriller psychologique au fond des bois, empreint d’une ambiance forcément proche du fantastique (le film est britannique, ses personnages principaux sont irlandais, mais il se passe en France, pour ajouter une petite note de déracinement et d’exotisme), sur fond d’enfance pas si innocente et d’éveil douloureux à la sexualité. Or ce qui arrive à l’écran a plutôt des allures de téléfilm anglais stylisé de la pire espèce, celle qui se réfugie derrière ses tics académiques pour exhiber des pans d’étrangeté et de noirceur qui, si poisseux et dérangeants qu’ils puissent se vouloir, n’en dépassent pas plus leur état d’artifice, plombés par les conventions et le conservatisme qui les animent. Dès le pré-générique (le garçon protagoniste découvre sa mère les veines ouvertes : succession de gros plans à focales courtes laissant l’arrière-plan flou, images feignant de s’intéresser à la douleur intime mais se figeant dans le maniérisme publicitaire), le film adopte une posture qu’il ne quittera plus, se vouant à dévitaliser tout ce qu’il pourra bien raconter. Jamais son récit du désir obsessionnel jusqu’à la folie d’un jeune garçon pour une insaisissable rousse de son âge ne dépasse l’addition sèche, appliquée et stérile de trucs et de systématismes pour « faire étrange », pour hurler à quel point tout cela est morbide et dérangeant (musique atmosphérique, déstructuration, personnages d’enfants figés dans la pose…). C’est que la réalisatrice-scénariste aligne toute une série d’effets avec l’air de vouloir construire quelque chose, mais n’insuffle à sa construction aucune énergie ni personnalité : à la mise en scène d’un matériau avec lequel elle aurait établi un réel rapport personnel, elle préfère l’assemblage d’une ambiance en kit par une mise en images et en sons préfabriquée. Pendant ce temps, la seule existence d’une voix off commentant les événements à l’imparfait aura déjà laissé deviner la conclusion du drame psychologique que l’auteur imaginait pourtant bien choquante comme il faut, privant le film de ses derniers restes d’enjeux et le rendant à sa vanité tapageuse.