N’ayant pas vu tous les premiers longs métrages du festival, difficile de juger si Année bissextile a mérité la Caméra d’or qui lui a été décernée en fin de festival. Néanmoins, le premier film de Michael Rowe, Australien résidant au Mexique, est loin d’être honteux, détournant subtilement le préjugé d’objet pour festivaliers en manque de soufre et nostalgiques de L’Empire des sens qu’on pouvait nourrir à son encontre. C’est que si le film joue avec le sexe, parfois titillant sournoisement l’attente de la performance pornographique (comme dans cette scène de masturbation laissant tout juste entrevoir le gland au bord du cadre, jusqu’à ce que l’éjaculation arrive… hors champ), il parle moins de la chose que de ce qu’elle cache, de ce qu’elle cherche à évacuer. L’héroïne Laura a 25 ans et cherche un amant, seule qu’elle est dans son appartement de Mexico avec ses rondeurs et ses fantasmes. Après quelques aventures sans lendemain, elle finit par entrer dans une relation sado-masochiste avec un certain Arturo, dans laquelle elle semble s’épanouir. Menace potentielle, le côté démonstratif grandissant des scènes d’amour « vache » est néanmoins constamment perturbé par ce que le film prend le temps de montrer, avant et après l’acte, de l’attitude respective des partenaires : lui, le « bourreau », jouant son rôle avec application dans l’acte, mais finalement plus gêné et à l’étroit que sa « victime » par la nature scabreuse de la relation ; elle, poussant la passivité dans l’acte jusqu’à attendre, plantée dans son salon, que l’homme entre et la prenne sans cérémonie, comme une vraie victime consentante refoulant son plaisir par expiation. De scène en scène, à mesure que l’audace masochiste de la femme et l’inconfort de l’homme faussement dominant grandissent, on sent poindre derrière le récit érotico-trash le mélodrame d’une douleur secrète qu’on n’avait pas devinée plus tôt et qui ne va pas tarder à éclater.
Il est dommage que cette douleur secrète, évoquée à travers l’approche du cinéaste, se trouve in fine explicitée par des manipulations scénaristiques plutôt dispensables, qui ne semblent là que pour rendre l’histoire plus maligne et singulière qu’elle ne l’est déjà – comme cet emploi du 29 février comme pour une touche d’étrangeté gratuite. Au début du film, Laura emplit de rouge cette case du calendrier : le geste suggère le temps qu’elle se laisse pour trouver un partenaire, et cette explication suffit alors. Mais la fin nous en expose – et impose – une autre, un peu plus alambiquée, une peu grosse, qui menace de rendre artificiel le drame de la jeune femme. C’est dommage, parce que le réalisateur Michael Rowe montre par ailleurs un regard réellement sensible et capable de laisser parler le drame humain derrière le spectacle potentiellement tapageur.