Le nouveau venu Alistair Banks Griffin démontre ici un talent certain à filmer les branches d’arbre agitées par le vent, les aspérités des troncs dans l’ombre, la boue, les rivières, bref, la nature, et deux gars qui la hantent sans un mot. Bien. Pendant un moment, des images comparables dans Old Joy ou Le Nouveau Monde nous traversent l’esprit. Sans doute était-ce l’effet recherché, mais alors, pour le film, ce n’était pas vraiment le meilleur service à se rendre. Tandis que des cinéastes aussi inspirés que Kelly Reichardt ou Terrence Malick savent confronter les images à la fois brutes et magnifiques de la nature et la présence incongrue de l’homme en son sein pour exprimer des idées sur l’état de l’individu et/ou du monde, Griffin ne fait que constituer un beau livre d’images illustrant des idées surfaites et sur-usées. Sur une histoire aux accents d’Ancien Testament (deux frères aux tempéraments divergents partent en périple vers un lieu perdu de l’Amérique profonde, chargés du cercueil de leur mère), ce premier film ressert les tics clichés d’êtres en rapport direct, de communion ou de conflit, avec la nature — donc forcément taiseux, un peu sauvages, hors de la société et de la juridiction des hommes — sans que jamais le propos ne dépasse cette petite mythologie qui n’interroge rien du monde. À l’image de ce plan-séquence fixe où les frères, quasiment face caméra, déclarent avec un sérieux de plomb à un médecin hors champ et presque réduit au silence qu’ils se moquent bien de son avis et n’obéissent qu’à leurs propres lois, Two Gates of Sleep maintient une posture de hiératisme autosatisfait et un peu creux, satisfaction qu’on n’est pas tenu de partager.