Une dédicace spéciale à la camarade Laurine qui, plus vive que moi, a décelé la première le motif de sourire de ce film qui se veut pourtant très grave et très intimidant, mais qui n’est que poseur et méprisable : un faux raccord au cours d’une des scènes choc les plus choc, trahi par un clapet de cuvette de WC relevé entre deux plans par l’opération du Saint-Esprit. À part ça, Picco, premier film de Philip Koch, confirme trois choses. Primo : dans l’ensemble, cette Quinzaine des Réalisateurs 2010, la première supervisée par Frédéric Boyer successeur d’Olivier Père, trahit bel et bien la réputation de qualité qu’elle s’était forgée précédemment, entre propositions cinématographiques creuses, sous-produits navrants sélectionnés par pur souci de diversité commerciale et une poignée d’exceptions salvatrices. Secundo : le pire fiasco en est bien l’ouverture aux films de genre, avec le choix des plus pauvres qui soient, ici un film de prison après un film d’horreur (La Casa Muda) et deux thrillers psychologiques (Everything Will Be Fine et All Good Children). Tertio au-delà de la Quinzaine : se méfier des récents réalisateurs germanophones qui se piquent de vouloir traiter sous un apparat de concept et/ou de radicalisme de l’abus de pouvoir, de l’homme qui est un loup pour l’homme, bref, de tout ce qui est un peu sulfureux dans leur pays, comme si leur Histoire et la nécessité de l’assumer les habilitaient automatiquement plus que d’autres à s’arroger ce type de sujet pour briller dans les festivals (Haneke, Oliver Hirschbiegel avec L’Expérience, Dennis Gansel avec La Vague en ont déjà fait de sinistres démonstrations).
Picco, donc, est un film de prison allemand (plus précisément, son cadre est un centre de détention pour jeunes délinquants) à côté duquel le « série-B-esque » Dog Pound à venir de Kim « Sheitan » Chapiron promet déjà d’être un chef d’œuvre revigorant – c’est dire. C’est aussi le surnom donné au personnage principal, le détenu joué par le jeune Constantin von Jascheroff, dont on se rappelle qu’il fut le troublant Imposteur de Christoph Hochhäusler – voilà pour les deux secondes de curiosité que suscite le film. Suivant les pas d’un protagoniste tantôt victime, tantôt complice passif, tantôt bourreau de cette loi de la jungle carcérale qui fait le lot du genre, feignant de temps à autre de s’intéresser à la part secrète des détenus (les séances chez la psy, aussi longuettes qu’improductives), Picco le film ne fait que ruminer le tout-venant de petites morales bien connues, nous apprenant : que la prison, ça détruit la vie et l’innocence, surtout quand on est jeune ; qu’en prison, les détenus se font des choses horribles (esclavage, torture, viol anal, suicide, le menu habituel) ; que l’homme, donc, est un loup pour homme et qu’on n’a le choix qu’entre manger et être mangé etc. Philip Koch ne fait pas longtemps illusion sur sa démarche de cinéaste vis-à-vis de ce matériau : jouer au petit Haneke en cherchant à démontrer à chaque scène avec quelle maîtrise il met en scène la violence sans paraître y prendre plaisir (hors-champ, arrière-plans flous, plans qui durent, raccords secs) – tandis que ce sont ces mêmes effets qui le qualifient en plein dans la complaisance manipulatrice, ne balisant chez lui d’autre parti pris que celui de défendre une étiquette falsifiée « auteur intransigeant ». Picco n’est en vérité qu’un sous-produit d’exploitation qui ne s’assume pas, cherchant à tout prix un regard supérieur, une contenance, un masque propre à intimider son public (une bonne partie de la salle de la Quinzaine s’est vidée devant la scène d’entaillage au rasoir : mission accomplie). Misérable.