Très attendu pour son entrée en compétition, Corneliu Porumboiu déçoit pour tout dire un peu, même si le film suscite suffisamment de curiosité pour qu’on ne livre pas tout de suite un jugement définitif. La Gomera, à mi-chemin entre la comédie réflexive et le film policier, fait le récit d’un double apprentissage. Le premier concerne une langue sifflée, par laquelle Cristi, un policier corrompu, peut interagir avec la mafia qui l’emploie. Vecteur de jeux de traductions et de répétitions incongrues, ce langage en masque toutefois un autre, à la fois plus secret et en même temps plus immédiatement partagé par l’ensemble des personnages : les images, qu’il faut apprendre à peupler et à maîtriser. La surveillance à laquelle sont soumis de nombreux personnages induit pour eux de savoir jouer voire d’être dirigés afin de tromper ceux qui les regardent. L’écriture de Porumboiu dessine ainsi un petit traité sur la mise en scène elle-même, avec ses bons acteurs (Gilda, femme fatale archétypale) et ses mauvais (Cristi), mais aussi ses producteurs et metteurs en scènes, tantôt maffieux qui bricolent un petit coup et policiers dressant leurs pièges. Le principe donne lieu à de nombreuses scènes amusantes, sans pour autant que le film ne transcende tout à fait son programme, un peu trop surligné ici et là (une fusillade dans un studio, un réalisateur-touriste assassiné, une petite parodie de Psychose). Reste que Porumboiu mêle toujours habilement vitesses et tonalités, ouvrant ici sa mise en scène à l’action sans perdre son comique flegmatique. Rendez-vous donc à la sortie en salles pour redonner une chance, loin du tumulte cannois, à ce drôle de film hybride.