Présenté en clôture de l’Acid, Kongo faisait partie des rares films documentaires dignes d’intérêt que l’on pouvait voir à Cannes cette année. Les réalisateurs Hadrien La Vapeur et Corto Vaclav y proposent une immersion dans l’univers spirituel de Brazzaville, et plus précisément celui de l’apôtre Médard, guérisseur que l’on voit œuvrer pour la libération des victimes de mauvais sorts. Nous l’observons au travail, qu’il pratique des exorcismes ou qu’il se rende sur des lieux sacrés pour entrer en communication avec certains esprits. Les réalisateurs nous plongent dans cet univers sans aucune condescendance et parviennent également, presque miraculeusement, à éviter l’exotisme : si certaines scènes sont impressionnantes, comme celle où Médard entaille la cheville d’un patient puis aspire le démon en plaquant sa bouche sur la plaie, Hadrien La Vapeur et Corto Vaclav en rendent compte sans jamais rechercher le sensationnalisme, de même qu’ils ne s’attardent pas sur les épisodes de transe qui fascinent tant les Occidentaux, simplement parce qu’elles ne constituent pas leur sujet.
Le film est en effet traversé d’un enjeu narratif de taille : Médard se voit accusé d’avoir envoyé des éclairs sur une maison et d’avoir ainsi provoqué la mort de deux enfants, lui qui lutte au contraire contre la magie noire. Grâce à leur regard ouvert, les réalisateurs s’imprègnent de l’univers magique mais très concret dans lequel évolue leur personnage, jusqu’à laisser affleurer dans chaque partie de l’image les esprits qui pourraient l’habiter. Mais si Kongo nous plonge dans un monde de croyances ancestrales, le présent s’invite violemment dans le champ lorsque Médard veut se rendre sous une cascade sacrée et ne trouve à sa place que de la roche : des entreprises chinoises sont en effet venues exploiter les ressources minérales de la région, remodelant le paysage. Que vont devenir les sirènes ?