Commande de Valentino, le moyen métrage de Luca Guadagnino The Staggering Girl réunit en toute logique un casting luxueux : Julianne Moore, Marthe Keller, Kyle MacLachlan… Conçu en étroite collaboration avec le directeur artistique de la maison de haute couture, Pierpaolo Piccioli, le film met les créations en lumière sans pour autant avoir l’allure d’une publicité. Le monde qui se déploie ici est en effet particulièrement sombre et opaque. Julianne Moore y incarne Francesca, écrivain, qui rend visite à sa mère, peintre et presque aveugle, pour la convaincre de quitter sa maison romaine, où elle habite seule avec un assistant. Dans ce temps qui semble constituer le présent du film, des présences venues d’ailleurs viennent se greffer : chez l’écrivain, à New York, une voix semble émerger du conduit d’aération et une femme en jaune apparaît sans que Francesca ne puisse jamais s’en approcher. Lorsqu’elle se rend dans la maison de son enfance, l’écrivain semble pouvoir entrer en communication avec l’espace de ses propres souvenirs et se trouver en présence de sa mère plus jeune (Mia Goth) et d’elle-même enfant. Luca Guadagnino fait preuve de brio pour figurer ces paradoxes par des moyens simples – un faux raccord lumière, un panoramique. Il organise les moments de rencontre entre les espaces et les époques selon une logique qui n’a rien de linéaire, ce qui donne à The Staggering Girl un caractère indécidable assez vertigineux, qui est aussi sa limite – les pièces du puzzle mental sont si mélangées que le dessin global n’émerge pas tout à fait, et que le film apparaît avant tout comme un exercice de style, brillant mais un peu vain.