Blaise Harrison signe avec Les Particules sa première fiction, après des documentaires remarqués (Armand 15 ans l’été, L’Harmonie…). Ce nouveau film ne marque pourtant en rien une rupture, tant Les Particules s’imprègne et s’inspire profondément de la réalité. Celle d’abord d’une région frontalière, le pays de Gex, où le réalisateur a grandi et où se situe également l’accélérateur de particules du CERN. Celle ensuite de ses comédiens non-professionnels, qui apportent beaucoup d’eux-mêmes à leurs personnages. L’intrigue s’avère en effet assez minimale et Blaise Harrison s’attache avant tout à évoquer, une fois de plus, cette période charnière qu’est l’adolescence. Il se concentre sur un groupe d’amis et notamment sur P.A., jeune homme à l’air un peu ahuri, pour d’abord livrer la chronique du quotidien de lycéens de province – car scolaire à l’aube, cours suivis avec plus ou moins d’intérêt, repas collectifs au self, soirées arrosées… Des scènes ordinaires, mais que le cinéaste parvient à renouveler par son sens du cadrage, qui joue avec le hors-champ, et sa photo en lumière naturelle, qui en restitue toute la texture.
Mais l’originalité des Particules réside avant tout dans la tension entre cette matière quasi-documentaire et un mouvement vers le fantastique. P.A. va en effet être témoin de phénomènes étranges – déformations de l’espace ou lumières surnaturelles –, qui apparaissent comme des accrocs dans la trame même du monde. Ces accidents visuels résonnent avec les théories de physique quantique évoquées lors d’une visite du LHC ou dans une vidéo sur Youtube. Par fines touches, le film évoque ce moment de bascule où, parce que l’on devient adulte, notre rapport au monde doit se reconfigurer. Les visions de P.A. apparaissent alors comme les symptômes du trouble que suscite chez les adolescents la prise de conscience de leur corps, mû par de nouveaux désirs et émotions, et l’apprentissage de leur mortalité.