Après les zombies de Jarmusch, l’autre film post-moderne du festival, présenté à la Quinzaine des réalisateurs, souffre des mêmes maux et ne rattrape pas la déception suscitée par son cousin américain. Dupieux s’attelle lui aussi à une opération de recyclage, qui constitue le point de départ de l’intrigue : Georges rachète un vieux blouson en daim qui dort au fond d’une malle depuis des années. Son accoutrement s’enrichit au fil des scènes d’éléments répondant à la même logique : un chapeau récupéré sur un cadavre, un pantalon à franges et des chaussures de cow-boy qui complètent son allure de western ridicule et accompagnent le glissement du film vers le pastiche horrifique et gore. Dupieux redouble sa démonstration d’une dimension méta sur-signifiante : Georges se fait passer pour un cinéaste et filme ses crimes à l’aide d’un caméscope anachronique. Mais la parodie ne convainc guère et les discours de l’apprenti réalisateur par lesquels Dupieux entend se moquer de sa propre posture tournent en rond. Le personnage de Denise, qui passe de jeune fille crédule à complice de Georges avant de prendre le pouvoir dans les dernières scènes, se veut l’incarnation de l’attitude du spectateur face au film, pas dupe, mais en demandant toujours plus pour satisfaire sa propre jouissance. C’était sans compter sur l’intellectualisation systématique des situations qui bloque tout plaisir pervers devant les scènes – par ailleurs parfois bien menées – de duperie ou de carnage.
L’aspect le plus intéressant du Daim réside dans ce retournement des regards qu’il déploie continuellement. La première fois que Georges se contemple dans la vitre d’une voiture (le miroir constituant un motif récurrent du film), la caméra emprunte brièvement le point de vue de son reflet qui le scrute à son tour. La personnification progressive du blouson par son propriétaire, qui lui prête sa voix dans un numéro de ventriloque de plus en plus troublant, poursuit cette même idée, jusqu’à la scène où le vêtement, fixant l’homme endormi, s’adresse à lui directement. Enfin, le personnage du jeune garçon, qui n’a d’autre fonction que d’observer Georges, annonce un final où ce regard retourné se pare du même pouvoir mortel que celui attribué au tueur à travers l’objectif de son caméscope. Dans un ultime renversement, le miroir narcissique que constitue la caméra change de mains, comme pour annoncer, en parodiant un tic du film d’angoisse, que la malédiction continue. Ce jeu de doubles, constamment souligné, peine toutefois à conjurer l’ennui d’un film qui, lui aussi, se regarde trop.