La filmographie de Quentin Dupieux semble comme coupée en deux. Il y a d’abord la période américaine, de Rubber aux collaborations avec Judor (Steak, tourné au Canada, Wrong, Wrong Cops), puis celle du retour en France, avec ses castings débordants à la Wes Anderson. Réalité, situé entre ces deux blocs, constitue probablement le film le plus accompli de son auteur, en ce qu’il parvient à rassembler ses principales qualités : la drôlerie, l’inquiétude et le vertige. Ce dernier élément est peut-être ce qui manque le plus aux films qui ont suivi, marqués par des fins en queue de poisson (Au Poste, Le Daim) et une idiotie terre-à-terre héritée des Nuls (Mandibules). Fumer fait tousser s’inscrit pleinement dans ce dernier sillon, en prenant la forme d’un film à sketchs absurdes. S’ouvrant sur une très drôle parodie gore des Power Rangers (cela faisait longtemps qu’on ne s’était pas esclaffé devant un film de Dupieux), le film, à l’instar de la Tabac Force, part ensuite en vacances. Le cinéaste rassemble ses justiciers en combinaisons latex autour d’un feu (il ne manque que les chamallows), dans un pastiche de l’ouverture de Fog qui amorce la plongée dans une série d’histoires horrifiques. Si celles-ci sont loin d’être terrifiantes, ou même inquiétantes, il est surtout regrettable qu’elles ne soient pas drôles. La première ressemble à « Red is dead », le film dans le film au début de La Cité de la peur, mais sans la générosité des gags, tandis que celle avec Blanche Gardin, d’abord plus inspirée, finit par perdre son souffle. Dupieux délivre certes encore quelques visions burlesques (le barracuda, le « frigo supermarché »), mais la façon qu’il a d’écrire au fil de la plume tend à aplanir sa folie.
Les commentaires que ne cessent de distiller les personnages sur les histoires des autres (soit « c’était super », soit « c’était vraiment nul ») attestent d’une tendance de l’auteur au monologue réflexif, cherchant ici à se convaincre d’un effet réussi, là à se défendre d’une réplique plate. Reste le plaisir du casting malmené dans des costumes ridicules, bien qu’il demeure souvent superficiel : passée, par exemple, la découverte de la coupe au bol de Vincent Lacoste, Dupieux ne sait vraiment pas quoi faire de son jeu atypique. Quant à Anaïs Demoustier, elle retrouve le rôle de cruche ultra sexualisée (ici au travers d’une fausse poitrine qu’elle ne cesse de mettre en avant face à son patron, gag qui semble sortir tout droit des Bronzés 3) qu’elle tenait déjà dans Incroyable mais vrai. Cette tendance misogyne s’accorde bien au fond à la paresse puérile qui caractérise la dernière partie de l’œuvre de Dupieux. Le plus drôle reste finalement la marionnette de « Chef Didier », le rat baveur à la tête de la Tabac Force, donnant ses ordres à distance, qui permet de se rappeler le talent incroyable de doublage d’Alain Chabat, au cœur de sa série animée Avez-vous déjà vu ?. Ses apparitions, mieux rythmées, mieux dialoguées, aussi, et surtout vraiment farfelues, sauvent le film de l’ennui. Avez-vous déjà vu un rat sauver à moitié un Oizo du naufrage ? Maintenant oui.