En suivant le personnage d’Alma, jeune fille qui vit aux Pays-Bas et part en Bosnie rencontrer son père pour la première fois, Take Me Somewhere Nice nous promet un road movie dans les Balkans qui n’advient jamais réellement. Ena Sendijarević fait le choix de porter son regard exclusivement sur son héroïne en proie aux tourments inévitables de son âge (solitude, émois sexuels, attrait du danger). Son parcours géographique, ses rencontres et ses mésaventures se trouvent captées dans une esthétique pop magnifiant l’adolescence qui semble empruntée aux premiers films de Xavier Dolan (on pense notamment aux plans récurrents où les visages des protagonistes occupent le tiers inférieur de l’image et se détachent sur un fond monochrome vif ou sur un motif de papier peint vintage). La scène d’ouverture, qui nous présente Alma allongée avec sa mère sur une chaise longue dans un jardin entouré de haies qui la sépare du voisinage, pose le cadre d’une existence protégée et privilégiée, en opposition à la vie plus rude que mènent les garçons qui l’accueillent en Bosnie. Pourtant, tous les éléments qui semblent marquer cette différence (les vêtements, la voiture, la décoration…) se trouvent constamment parés d’un vernis mode qui annule toute portée sociale.
Passons sur le caractère douteux et artificiel des intrigues secondaires (le trafic de drogue, l’irruption de la violence lors d’une attaque sans raison sur la plage). La dernière partie du film, après le renoncement définitif d’Alma au but initial de son voyage, contient en revanche quelques belles scènes. Finalement installée dans la campagne bosnienne, la caméra s’autorise enfin à en observer la beauté désertique et à en dévoiler les étrangetés. Il faut que les trois personnages se posent eux aussi – dans la maison du père d’Alma – pour que leurs rapports trouvent leur vérité, notamment lorsque le cousin de l’adolescente lui apprend à conduire dans la cour ou quand ils s’assoient tous ensemble sur le canapé du père disparu, dans le salon à l’abandon.