Rocketman fait preuve d’une littéralité et d’un premier degré rarement observés dans de telles proportions. Quelques exemples : alors qu’il raconte son histoire intime au cours d’une réunion des alcooliques anonymes, Elton se met à nu, quittant progressivement ses oripeaux de star matérialisés par son costume de scène. Plus loin dans le film, au cours de la même séance, il en vient à embrasser l’enfant qu’il était, apparaissant au centre du cercle de thérapie, pour lui donner tout l’amour qu’il n’a jamais reçu de ses parents. Enfin, à la fin de la scène accompagnant la chanson qui donne son titre au film, le chanteur est propulsé dans l’atmosphère comme une fusée (rocket) avec l’aide de réacteurs enflammés sous ses pieds. Cette débauche de naïveté étincelante prend au mot la profondeur toute relative des paroles de certains tubes du chanteur (« That’s the love I want, I want love », « I should have stayed on the farm, I should have listened to my old man » et autres « I’m still standing »). Ne visant jamais le décalage ironique ni même à donner à ces mots une résonance nouvelle dans le fil de l’intrigue, le film se contente de numéros musicaux sortis de Broadway qui, dans leur volonté d’en mettre constamment plein la vue, prêtent parfois à sourire. La réorchestration des morceaux en rajoute enfin dans la démesure, poussant dans ses retranchements une pop orchestrale gonflée de basses, de cordes et de sentimentalité.
Reconnaissons tout de même à cette entreprise sa cohérence et sa foi en son sujet, dont elle épouse les excès sans jamais avoir l’air de s’en excuser. Il faut dire qu’Elton John lui-même a produit le film. D’une certaine façon, ce Rocketman, aussi hagiographique soit-il, ne souffre pas de la timidité du récent Bohemian Rhapsody, encombré d’une figure musicale tout aussi flamboyante. On caresse même un temps l’espoir de voir voler en éclats les relents moralisateurs inhérents au genre, notamment lorsqu’Elton, en rejetant définitivement sa mère, lui annonce qu’il a déjà couché avec la terre entière, essayé toutes les drogues et adoré ça. Hélas, la dernière partie du film prend la forme d’une repentance attendue. Sur les cartons qui précèdent le générique de fin, on peut lire que la star a renoncé à tous les excès (sauf au shopping), avant de le voir poser sagement avec son mari et ses enfants.