D’un bout à l’autre d’A Chiara, l’héroïne du troisième long-métrage de Jonas Carpignano impose à la mise en scène son rythme heurté. Remuant ciel et terre pour retrouver la trace de son père fugitif, l’adolescente traverse, en furie, de longues scènes bruyantes et étirées. Lors de la longue séquence d’anniversaire qui occupe le premier quart du film, Chiara somme par exemple son père de faire un discours, ce qu’il refuse ; pendant une longue minute, le ton monte avant que les larmes ne coulent sur le visage des deux protagonistes. L’intensité construite sur la longueur lors des différentes scènes ne peut déboucher que sur le spectacle d’une déflagration, idée que le film illustrera à deux reprises : d’abord, lors de l’explosion d’une voiture devant le domicile de Chiara, puis lorsqu’elle jette un pétard enflammé au visage d’une enfant Rom. La trajectoire du personnage suppose donc qu’au fil de ses recherches, elle apprenne à maîtriser cette énergie débordante, marque laissée par l’ « hérédité violente » qui lie des membres de sa famille, tous ayant fait allégeance à la ‘Ndrangheta (mafia calabraise dont le père de Chiara est l’un des lieutenants). En contrepoint de ce déchaînement de violence, le sport constitue un vecteur de libération pour la jeune femme : le film se clôt ainsi sur un plan où Chiara atteint la lignée d’arrivée d’une piste d’athlétisme avant de disparaître dans la profondeur de champ, manière assez pesante de signifier qu’elle s’est libérée de son pesant atavisme familial. Si les intentions du film de Jonas Carpignano sont claires – seule la témérité d’une femme indignée peut venir à bout de la loi du silence imposée par la mafia –, l’exécution manque de finesse. Alternant les scènes d’hystérie et les joutes oratoires brutales sans temps morts, il impose son discours à coup de massue sans prendre le temps de ménager de véritables moments de respiration. On ressort de la séance groggy, mais surtout lassé par les automatismes d’une écriture monolithique.