Suivant pendant 1h15 la fuite d’un migrant irakien dans la forêt bulgare, Europa témoigne des conditions de vie déplorables d’une population déracinée, ce dont témoigne le dispositif choisi par le réalisateur Haider Rashid, constitué presque uniquement de plans filmés au plus près d’un corps en souffrance. L’organisation d’une traque par une milice populaire, prête à tuer sans sommation, sert d’argument scénaristique à un film qui s’attarde davantage sur les différentes épreuves endurées par le protagoniste (gravir une pente raide, soigner une blessure, trouver de l’aide), si bien que la trajectoire de ce bref long-métrage semble jouée d’avance. Le spectateur se trouve bien vite en terrain connu : n’épargnant aucune scène choc (des plans sur des plaies ouvertes ou du vomi occupent tout l’écran), le récit relance artificiellement son suspense – restera-t-il assez de force au héros pour échapper à nouveau à ses tortionnaires ? – en transformant le drame intime de l’exil en un survival forestier des plus ennuyeux.
Outre la laideur du film, qui alterne passages à la longue focale (pour figurer un horizon bouché) et grand angle (afin de rendre compte de l’immensité écrasante de l’espace environnant), c’est la paresse de la mise en scène qui frappe : si les premières minutes laissent entrevoir un semblant de dramaturgie basé sur le sens de la débrouille de son héros (par exemple, lorsqu’il grimpe un arbre pour échapper à la milice, accédant à un nouveau point de vue), la quasi-intégralité de Europa consiste en une accumulation de plans trop courts et inconsistants pour que le sentiment de la durée, liée à une attente inquiète, ne traverse l’écran. Plus gênant encore, le cinéaste a recours à des stratagèmes grossiers pour relancer l’attention de son spectateur, notamment lorsque le migrant anonyme entre dans une cabane pour chercher à manger : dans un bois jusqu’alors silencieux et vide de toute faune, le jeune homme brise une vitre pour ouvrir une porte – et la forêt de s’animer sans raison, soudain peuplée de nombreux chiens et et oiseaux dont les cris tonitruants trahissent la présence de l’intrus. En fin de compte, Europa a la fâcheuse tendance de délaisser l’écriture au profit d’un édifiant message, pourtant bien mieux résumé par le carton final où l’on peut lire le terrifiant témoignage d’un (véritable) migrant.