Retraçant le massacre de Port Athur en Tasmanie, perpétré par Martin Bryant en 1996, Nitram est un film à programme qui cache trop longtemps son jeu. Le nouveau long-métrage de Justin Kurzel, dont on se demande encore pourquoi il figure en compétition, se présente d’abord comme un lourd portrait psychologique : celui d’un jeune homme, Nitram, atteint d’un handicap mental. Avant que l’objectif véritable du film ne se révèle (lors de séquences au discours très appuyé, sur le laxisme concernant la circulation d’armes à feu), Kurzel traîne du pied et emprunte moult détours scénaristiques pour évoquer la somme d’éléments disparates qui peuvent amener un homme à effectuer une tuerie de masse. La barque est particulièrement chargée : Nitram est certes déjà un inadapté social, mais il subit aussi un lourd traitement sous peine de crises violentes, et se voit régulièrement moqué par la population locale. Il sera par ailleurs pris à un moment sous l’aile d’une richissime femme âgée, avant de provoquer involontairement son décès, puis de subir celui, brutal, de son père.
Bien qu’alourdi par un scénario aussi balisé, Nitram pourrait tenir sur ses deux jambes si Kurzel n’empruntait pas plusieurs voies contradictoires pour figurer la lente dégénérescence de son personnage, qui perd toute profondeur à mesure que le récit avance. Plans en caméra portée avec une longue focale qui supprime toute notion d’espace, ralentis sur les plages australiennes, lents travellings qui évoquent le style ankylosé de Macbeth : voilà un film qui n’a formellement ni queue ni tête, qui se demande en permanence s’il serait davantage adapté de rester ancré à la psyché de sa figure centrale (avec des plans très rapprochés, jusqu’à épouser le point de vue de Nitram) ou s’il faudrait, à l’inverse, prendre ses distances (et composer les images comme des tableaux vivants). D’où peut-être le choix, plus neutre, de ne pas montrer la tuerie de masse attendue, qui constitue un exercice de mise en scène périlleux. Celle-ci sera remplacée par son évocation à la télévision et quelques cartons indicatifs clarifiant le projet du film.