Plutôt avare en partis pris, Les Intranquilles pourrait se résumer à une seule véritable idée : l’inscription des symptômes de la bipolarité dans le cadre d’un récit à suspense. Le film s’ouvre ainsi sur les images d’un père abandonnant les commandes de son bateau à son fils pour piquer une tête dans la Méditerranée, puis quittant le lit conjugal en pleine nuit pour réparer un vieux Solex. D’insomnies en crises de paranoïa, il faudra une bonne heure avant que le nom de la maladie ne soit finalement prononcé, une seule fois, par le personnage de Leïla (Leïla Bekhti) pour évoquer l’état de Damien (Damien Bonnard). Un choix à la fois pertinent (le spectateur est lui-même placé face à une maladie aux contours mal définis et au diagnostic souvent complexe) et d’un goût relativement douteux, qui détermine une dramaturgie et une esthétique immersives jamais très éloignées de l’expérience en temps réel. Entre les personnages qui conservent les prénoms de leurs interprètes, la caméra accrochée à leurs moindres gestes et le montage privilégiant les longues scènes d’hystérie à une représentation plus elliptique des conséquences de la bipolarité sur la vie conjugale, Les Intranquilles s’offre comme le récit au premier degré d’un combat pour la préservation de l’unité familiale.
Centré sur un personnage de peintre, le film a au moins le mérite de ne jamais céder à la tentation d’une vision romantique du trouble mental consistant à associer l’inspiration à la souffrance. Il explore au contraire les symptômes de Damien avec une précision clinique qui donne surtout l’occasion à Damien Bonnard de faire la démonstration de l’étendue de son jeu, de la frénésie la plus outrée à la neurasthénie la plus complète. Collé à ses acteurs, le film ne trouve jamais sa propre respiration et s’applique à respecter un cahier des charges des plus balisés : le « film choc » faussement naturaliste, qui organise avec habileté son petit crescendo et dont on retient finalement davantage le sujet, trop peu abordé au cinéma, que la forme, d’une lourdeur démonstrative souvent indigeste.