Belle, le nouveau film de Mamoru Hosoda ajouté en dernière minute à la Sélection Officielle, reprend les grandes lignes de Summer Wars : Suzu, une adolescente timide « dans la vraie vie », va incarner dans un monde en réalité virtuelle une star de la chanson afin de panser ses plaies intérieures (elle a perdu sa mère très jeune). Il est toutefois regrettable que Belle en répète aussi les principaux travers, parmi lesquels une multiplication excessive d’intrigues et de tonalités qui accouchent d’un ensemble particulièrement foutraque, et par endroits indigent. À la fois teen movie et tragédie existentielle ponctuée de scènes d’action où alternent animation traditionnelle et numérique, le film est très gourmand et ne prend jamais le temps de creuser en profondeur ses différentes pistes.
La faute en revient principalement à l’articulation, ratée, entre l’épopée numérique et la chronique intimiste (toujours présente chez Hosoda). Ces deux strates entrent ici difficilement en relation, ou alors seulement sur un plan allégorique, comme c’était déjà le cas dans Summer Wars. Tout ce qui advient dans le monde numérique de « U », grande place publique aux contours déjà un peu datés, ne fait que ressasser, avec toute la fantaisie permise par le virtuel, les péripéties qui se déroulent sur la terre ferme, à savoir une série de romances amoureuses (dans le virtuel : une scène de danse rejouant explicitement La Belle et la Bête) ou encore le travail du deuil et de l’acceptation de soi (dans le numérique : une catharsis – il s’agit de la fin du film – où Suzu / Belle donne un concert tout en dévoilant à son audience sa véritable identité). Dans cette perspective, il est étonnant de voir à quel point le film sous-investit le terrain du numérique et celui d’Internet : le monde de « U » se limite à un immense réseau social, uniquement utilisé pour caractériser les protagonistes (les avatars sont générés automatiquement à partir de la psychologie des utilisateurs) ou pour produire une satire convenue du monde contemporain et des fameuses « dérives des réseaux sociaux » (la viralité de l’information, le narcissisme, le partage intempestif d’opinions, etc.). Les séquences « in real life » sont cependant plus réussies : Hosoda montre plus de talent pour représenter les tourments adolescents par de légers décalages, par exemple lors d’une scène assez touchante qui prend place dans une gare, où deux jeunes amoureux n’osent pas s’approcher l’un de l’autre, quittant le champ pour y retourner à plusieurs reprises le temps d’un plan fixe assez long. Bien qu’intéressantes, ces scènes s’inscrivent malheureusement dans une trajectoire morale convenue et consensuelle, à l’image de la fadeur (relative) du monde virtuel sur lequel le film de Hosoda fonde son argument.