Centré sur le quotidien farfelu d’une poignée de gangsters vieillissants, Cette musique ne joue pour personne exploite inlassablement le même filon comique, jusqu’à en user tous les ressorts au bout de son premier quart d’heure. L’idée est simple : il s’agit d’observer comment ces quinquagénaires fatigués, violents par habitude et peu adaptés au monde moderne (Bouli Lanners persiste à parler de « boum » au lieu de « fête ») se laissent happer les uns après les autres par les passions les plus inattendues (la poésie, le théâtre, ou encore le développement personnel). La sensibilité nouvelle qu’ils se découvrent tourne vite à la sensiblerie, alors même que le film prétend y échapper par le surréalisme de ses situations et la froideur distante de sa mise en scène. Les petits sketches qui s’enchaînent à l’écran font parfois mouche, mais ils se répètent de plus en plus paresseusement et masquent mal le pénible récit d’apprentissage auquel ils servent d’excuse.
On comprend d’ailleurs mal ce qui est visé ici, sinon l’éloge d’une marge mal définie : les personnages sont ostensiblement montrés comme des amateurs de téléréalité et de variété française, mais leur caractérisation sociologique ne va pas beaucoup plus loin. On sait seulement qu’ils se situent aux antipodes de Simone de Beauvoir et de Jean-Paul Sartre, héros d’une comédie musicale déjantée à laquelle participe le personnage de Suzanne (Vanessa Paradis). Le couple de philosophes prend d’ailleurs une telle place dans le film qu’on finit par se demander ce que Samuel Benchetrit a voulu exprimer à travers cette satire très régressive d’un certain milieu intellectuel bourgeois. Peut-être s’agissait-il d’opposer leurs expérimentations sexuelles, froidement contractualisées, aux sentiments plus chastes et plus « purs » des héros du film, réunis par paires sur une piste de danse dans une scène finale qui ressemble en effet à une « boum ».