Racontant l’émergence des radios libres au début des années 1980, Les Magnétiques aborde son sujet avec un regard rétrospectif, souvent au détriment de la réalité historique. Multipliant les références à la scène musicale de l’époque à la manière d’une playlist Spotify (on y entend uniquement des classiques de la scène post-punk, de Gang of Four au « Passenger » d’Iggy Pop), le premier long-métrage de Vincent Maël Cardona documente moins une époque (le début des années 1980) et un milieu (la jeunesse avide de new wave) qu’il ne donne à voir une image idéalisée de cette période. Lors d’une scène située dans le studio de « Radio Warsaw », la station pirate de Philippe, une réplique donne le ton du film, assez révisionniste : avant de lancer un bootleg du dernier concert de Joy Division, Jérôme (le frère toxicomane du héros) déclame un panégyrique à la mémoire de Ian Curtis et compare sa mort à celle d’un « dieu ». Que Cardona ne fasse aucun cas du peu d’émoi suscité par la disparition du chanteur, aujourd’hui légendaire, mais inconnu pour le public français de la fin des années 1970, révèle les limites de son scénario souvent anachronique. Bricoleur de génie, Philippe est d’ailleurs moins un DJ à la John Peel (pourtant cité au détour d’un dialogue) qu’un petit sorcier de l’électro dont le goût pour les « boucles infinies » annonce la musique ambient apparue dans les années 1990.
La toute dernière scène du film pourrait résumer le véritable projet des Magnétiques : face à la console de son émission de radio, Philippe enregistre les bribes de souvenirs qui ont composé la trame du scénario, de son service militaire en Allemagne jusqu’au départ de sa petite amie pour Paris. Adressée à son frère Jérôme, la cassette se compose de phrases qui ont déjà rythmé les scènes-clefs de l’histoire ; mises bout-à-bout, elles constituent un récit rétrospectif à la fois mélancolique et idéalisé. Entreprise nostalgique d’une époque que le réalisateur n’a pas connue (Cardona est né au moment où se déroule l’intrigue), le film change ainsi son cap en cours de route, abandonnant l’évocation des premières radios indépendantes pour ausculter les aléas amoureux de son personnage principal. La mise en scène fait parfois mouche sur le terrain de l’éducation sentimentale, par exemple lors d’une scène où Philippe échange avec sa promise en confectionnant de bric et de broc un morceau bruitiste. Le studio de radio où lui vient son éclair de génie se transforme alors en un petit laboratoire expérimental au sein duquel il dessine une chorégraphie grisante. La scène s’avère d’autant plus importante qu’elle révèle l’horizon d’écriture du film, récit d’initiation d’un personnage « mutique » (dixit Jérôme), d’abord appelé à s’exprimer par la musique avant de trouver le courage de crier sa rage et d’avouer son amour. Les Magnétiques gagne donc à être vu comme une petite comédie romantique que l’abattage de ses comédiens rend parfois désopilante.