Grand succès pour le premier long-métrage de Marco Pontecorvo ! Comment rester insensible face à l’histoire vraie de Miloud Oukili (Jalil Lespert), ce clown français qui en 1992 décida de partir à la découverte de l’après Ceaușescu en Roumanie. Là, il fut impressionné par la misère qui entourait les milliers de gamins orphelins, vivant dans les égouts, se droguant avec de la colle… Pour les sortir de la petite délinquance dans laquelle ils étaient tombés, Oukili choisira la magie du cirque, qui se révélera le meilleur langage capable de rentrer en communication avec eux.
C’est là toute la beauté du geste. La caméra parvient à prendre parti de son discours en s’alignant dès le début sur une corde raide entre une forme de légèreté enfantine et une certaine pauvreté de moyens. La difficulté du pari est bien sûr dérivée du sujet qui risque facilement de tomber dans la naïveté des bons sentiments. Ceci dit, les très rares excès dans ce sens sont acceptés de suite, car ce sont ceux du protagoniste mais aussi parce que la tristesse du monde dans lequel ils prennent forme les contrebalance magnifiquement. Nous restons suffoqués par la réalité de ces enfants, non pas tellement à cause de leur âge tendre, mais d’emblée pour la négation qui leur est faite de tout instinct vital. Comme ne cesse de leur répéter Oukili, ils doivent apprendre le respect, notion qu’ils ne connaissent pas. C’est une preuve de réalisme que fait Pontecorvo, car il ne se contente pas de montrer un clown faisant tout à coup rire des enfants, au contraire il tente d’analyser plus loin les racines de leur refus du monde. En surface, nous restons emportés par la simplicité sincère de cet élan joyeux, oubliant pendant deux heures les quantités de gamins qui, dans les rues de Paris comme dans celles de Bucarest, encore aujourd’hui n’ont pas le droit de savoir ce qu’est une vie.