Après Madonna, il était urgent d’aller voir ailleurs, une incursion dans la section Orizzonti a paru bien indiquée. Photographic Memory n’inaugure pas l’investissement personnel de Ross McElwee au sein de ses dispositifs documentaires, mais ici, l’énonciation à la première personne s’approfondit encore ; elle part du fort sentiment d’altérité ressenti envers un être tout juste sorti de l’adolescence : son propre fils perpétuellement collé à de multiples écrans, aimant faire du ski (plus ou moins acrobatiquement), s’adonnant au graphisme et s’initiant au cinéma. L’incommunicabilité n’est pas totale, mais la nostalgie d’une grande complicité qui eut cours auparavant s’empare de Ross McElwee, et le trouble. « L’enquête » se double d’une seconde, le cinéaste entreprend un voyage sur les traces de sa propre jeunesse, en Bretagne nord, où son combi Volkswagen l’a mené alors qu’il taillait les routes françaises. Il recherche notamment Maurice, une sorte de mentor dont il fut l’assistant photographe, et Maud, une romance d’alors. Une forme de récit de la construction de son propre regard sur le monde s’élabore par le biais de ce film « parallèle ».
Mêlant prises de vues au présent, vieilles vidéos familiales du fiston et photographies d’antan, on se situe pourtant loin de l’arrogance méditative, le geste documentaire est même très humble, ce qui, en soi, est loin d’être un défaut. De même, les deux pans de Photographic Memory ne parviennent pas à dialoguer, mais le cinéaste ne cherche pas à forcer cette rencontre et assume ce côté boiteux. Sans convoquer ceux qui – par le filmage, le texte et la voix – transcendent cette banalité en méditation (Alain Cavalier ou, dans un tout autre style, Patrick Keiller), ce qui est filmé peine ici à devenir autre chose ; il s’agit d’une des raisons qui fait que les points d’accroche manquent pour véritablement faire sien ce film. Et qu’un fils devienne quelqu’un d’autre – lui-même – semble tomber sous le sens, tout comme le mode de vie technophile de cet individu bien de son temps. De même, l’interrogation de l’évolution du régime des images n’aboutit pas à grand chose, sinon une certaine banalité : le numérique, ce n’est pas l’argentique, notamment en terme de matérialité de l’image et de rapport au temps… Pas de moments de grâce, mais un charme prosaïque et tranquille se dégage parfois de cette baguenaude d’une tendre sincérité, qui sait faire émerger quelques truculents instants et une question taraudante : le non-dit quant à la mère.