Présenté dans une section parallèle, le nouveau film de Philippe Lioret a tout explosé à l’applaudimètre lors de sa présentation « toutes catégories » (séances qui regroupent les accrédités et le public). Preuve supplémentaire du succès de ce réalisateur éminemment populaire, qui signe avec Toutes nos envies un mélo solidement ancré dans l’air du temps, dans la veine de Welcome, son précédent film. On peut (très légitimement) s’agacer de l’absence totale de recherche formelle chez Lioret, qui enchaîne les champs-contrechamps avec la régularité d’un épisode de Julie Lescaut. On peut tout autant lui reprocher son angélisme, ses personnages qui, tels des David contre les Goliath de la politique ou de la finance, mènent des batailles impossibles contre le système.
Pourtant, Toutes nos envies émeut, un peu curieusement, malgré ses casseroles. C’est que Lioret a foi en ses personnages : ces héros ordinaires ont de la chair, à l’opposé du cynisme écœurant d’un monstre de festival comme Yorgos Lanthimos (dont l’abject Alpis a fait l’unanimité contre lui au sein de l’équipe de Critikat). Dans Toutes nos envies, Marie Gillain incarne une jeune juge qui se prend d’amitié pour une femme endettée par les organismes de crédit qui l’enfoncent dans la précarité. Avec l’aide d’un collègue plus aguerri (Vincent Lindon), elle décide de se lancer dans une bataille judiciaire qui pourrait faire jurisprudence. Oui mais voilà : la jeune avocate apprend qu’elle est condamnée par une tumeur au cerveau… On est donc bien dans le mélodrame assumé (le titre international du film, All Our Desires, fait immanquablement penser au film de Douglas Sirk, All I Desire), et Lioret n’y va pas avec le dos de la cuillère. Mais le réalisateur convainc par son entêtement, cet élan qui le pousse à croire en la bonté de ses personnages, malgré leurs défauts. Porté par des acteurs impeccables (c’est une habitude pour Lindon d’être bon, ça l’est nettement moins pour Marie Gillain, qu’on a rarement vue aussi juste), Toutes nos envies est un bon petit film, très imparfait, mais touchant dans sa volonté de redonner ses lettres de noblesse à un cinéma populaire qu’on avait perdu de vue depuis longtemps.