L’ancien de Freaks & Geeks James Franco est doublement – voire triplement – à la fête dans cette Mostra. Acteur dans l’adaptation d’un recueil de ses nouvelles, Palo Alto réalisé par Gia Coppola (petite-fille de F.F.), il est également le réalisateur de ce Child of God tiré d’un roman de Cormac McCarthy. Présence reconnaissable – à défaut d’être toujours convaincante – à Hollywood et dans sa périphérie indépendante, ce n’est que depuis peu qu’on commence à remarquer sérieusement sa carrière de cinéaste pourtant entamée en 2005, d’autant mieux que les festivals semblent l’apprécier : pour cette année seulement, avant la Mostra, on a vu à la Berlinale Interior. Leather Bar, fiction autour des quarante minutes coupées du Cruising de Friedkin, et à Cannes As I Lay Dying, adaptation d’un roman de Faulkner. Pour l’heure, on ne peut pas dire que le bilan est fermement convaincant, et malheureusement il ne faut pas compter sur Child of God pour rectifier le tir.
McCarthy, le romancier à qui on doit entre autres No Country for Old Men, est réputé pour explorer dans ses écrits l’espace américain et ses habitants sous les angles les moins avoués, ceux où on voit les viscères, les déjections, la violence, le chaos. Il apparaît qu’en adaptant Child of God, Franco n’en a retenu que les derniers points pour motiver son film. Suivant la route du lunatique Lester Ballard, qui court le comté, la Winchester à la main, au gré de ses pulsions et qui finira tueur en série, il l’expose dès les premiers plans comme une bête de foire à contempler, l’œil torve (dont il jette un coup face caméra, pour qu’on le voie bien), la barbe hirsute, la bouche pleine de vociférations et de hurlements bestiaux. Un peu plus loin, fasciné par la provocation que le personnage représente, Franco n’hésitera en filmer en gros plan les excréments qu’il expulse en déféquant (peut-être un clin d’œil à sa réplique culte de Spring Breakers, « Look at my shit ! » ?), puis la raie sale de ses fesses qu’il essuie avec un bout de bois. Ainsi, passé la sidération de l’exposition, la suite pourrait-elle se résumer à un one-man-show sensationnaliste fier de ses transgressions, ne proposant au spectateur que de suivre passivement le sujet pour savoir jusqu’à quels actes dégradants il peut aller : tentative de viol, nécrophilie, dialogue avec des peluches qu’il criblera de balles, meurtres en série. De choix moral du cinéaste face à cette amoralité, point : il recouvre son spectacle d’un vernis de filmage vaguement chaotique (séquences tournées à l’épaule et sur-découpées) et de musique folk locale en espérant signifier qu’il touche au cœur de l’Amérique profonde, mais il ne parvient qu’à signifier son propre cachet indé préfabriqué, noyant le chaos, la vision de la white trash, la sidération et l’horreur des agissements du personnage dans la même bouillie informe d’images sans point de vue. Les appels du pied à l’origine littéraire de la chose (division en trois parties, insertion de passages écrits du roman, voix-off de conteur) achèvent de corroborer l’idée d’une adaptation mal fagotée, jamais pensée, issue seulement d’une fascination immature pour la dégradation et d’un rêve de soi en artiste non orthodoxe sous le prétexte que sur un sujet non orthodoxe, il suffirait de s’ébrouer dans le vide.