Avec son imposant casting (Josh Brolin, Jake Gyllenhaal, Robin Wright, Keira Knightley, Sam Worthington, etc.) et sa promesse d’un survival à spectacle, Everest avait tout l’air d’un bon choix pour ouvrir cette 72ème édition de la Mostra. C’est pourtant à l’arrivée un drôle de blockbuster qui se présente à nous, à la fois old-school (le film joue a minima l’éternel scénario d’une catastrophe naturelle) et potentiellement hybride dans son rapport à la 3D, seul véritable intérêt du film. Dans sa (très) longue mise en place, Everest fait de son décor montagneux une suite de lignes et de couches qui cisaillent et creusent l’étendu du ciel, tout en ménageant une étrangeté de la profondeur de champ : les corps et espaces au premier plan semblent comme découpés sur une toile de fond escarpée mais pourtant parfaitement plate. Ce rapport à la 3D offre quelques visions plutôt inspirées – un apparent plan d’exposition de la montagne qui se révèle être un simple monticule de neige à la faveur d’un décadrage – mais qui sont pour la plupart cantonnées à de larges panoramas déconnectés du cœur de l’action. Seule la traversée d’une crevasse permet de jouer sur les anfractuosités de l’espace, mais pour le reste le film se replie trop sur la dimension humaine de la catastrophe en capitalisant sur son armada de vedettes, sans vraiment remporter la mise. Kormákur passe d’ailleurs plus de temps sur la préparation de l’expédition que sur l’ascension en elle-même, étonnement courte, avant de consacrer la deuxième partie du récit au périple proprement dit des aventuriers.
C’est là que le film achève son sabordage. La tempête qui s’abat sur le sommet vient plonger les personnages dans un chaos venteux bouchant complètement leur visibilité et donc la profondeur de champ. Ce qui ressemble à une erreur stratégique (quid de la 3D ?) n’en est toutefois pas complètement une : ce resserrement de l’espace visuel réduit les personnages à des ombres titubant au milieu de ce déchaînement tellurique, mais le film peine à exploiter ce nouveau terrain de jeu pour la mise en scène. Lorsqu’un personnage chute sans heurts d’une crevasse, on pense un instant à la soudaine et stupéfiante disparition du shérif sur le lac de glace du Grand Silence de Corbucci, sans toutefois que la scène surprenne ou atteigne la même puissance graphique. Il manque surtout une vraie dynamique de montage au film, qui s’en remet à d’incessants montages parallèles (entre le camp de base, les proches des victimes, les groupes disséminés dans la montagne) au lieu de se focaliser sur le plus intéressant, soit le ravalement progressif de l’homme par le manteau neigeux d’un sommet jalonné d’embûches. Aucun souffle métaphysique ne vient pourtant perturber le strict et besogneux déroulé des faits.