On avait quitté la 72ème Mostra de 2015 avec un indéniable sentiment de déception, au vu de la faiblesse de la grande majorité des films présentés en compétition et de l’absence d’ambition du programme dans les autres catégories (les meilleures surprises venant de films hors compétition pour la plupart).
Retour aux certitudes
Visiblement au fait du mécontentement général, les organisateurs de cette édition semblent avoir voulu remédier à ce faux pas, via notamment la présence de réalisateurs « fiables » (Konchalovsky récompensé du Lion d’argent il y a deux ans, ou encore Kusturica, Larraín, voire même un Malick assez modeste…) et en donnant davantage d’attention à des réalisateurs découverts l’an passé (Loznitsa notamment). Par ailleurs, on peut saluer ici les choix du jury, à contre-courant par rapport à certains des films les plus attendus, notamment Jackie (qui n’a reçu que le prix du meilleur scénario) pourtant de bonne facture et pressenti pour les Oscars. On regrette néanmoins l’attribution somme toute un peu forcée d’un double Lion d’argent à deux œuvres aussi éloignées que La Región Salvaje et Paradise. A contrario, certains choix sont aussi inexplicables que le « prix spécial » du jury attribué à The Bad Batch, au sommet des plus mauvais films vus en ces trois dernières éditions de la Mostra.
Une programmation inégale
Ces écarts témoignent de la très grande inégalité des œuvres proposées : entre les ambitions excessives mais louables d’un La Región Salvaje et la nullité de The Bad Batch, il y a un fossé qui traduit l’absence d’une « ligne » de sélection claire. Quitte à laisser carte blanche aux promesses de succès au box-office, il serait louable que celles-ci soient limitées à la section « Hors compétition », aux côtés des piètres réalisations de Mel Gibson et Andrew Dominik par exemple (sinon, était-il vraiment nécessaire de mettre Pets au programme, en 3D ?). L’absence de productions italiennes de qualité ne surprendra que les nouveaux venus, mais le prix Orizzonti conféré au Liberami de Federico di Giacomo confirme la valeur de la nouvelle orientation documentaire prise par les réalisateurs transalpin, victimes de l’absence de financements et d’un système essoufflé. Côté hexagonal, l’absence de films capables de susciter la surprise n’est pas sans susciter quelques regrets. On songe par exemple au timide Réparer les vivants de Katell Quilleveré, ou encore au Planétarium de Rebecca Zlotowski, dans lequel la réflexion sur le cinéma se borne aux déclarations d’intentions d’un script verbeux, et où la fascination de la réalisatrice pour Natalie Portman l’empêche de lui offrir un vrai défi d’acteur (à l’opposé de la démarche de Jackie justement).
On aurait souhaité avoir davantage de temps pour s’intéresser aux travaux auxiliaires de la Mostra, notamment le Biennale Film College et ses stages de scénarisation, ou encore à l’assidu travail de restauration promu par les archives de la Biennale, qu’on avait déjà mis en valeur l’an passé avec le Barberousse de Kurosawa. Reste que cette édition, si elle demeure inégale et parfois peu cohérente, a su offrir des propositions de cinéma véritables. On espère, à l’avenir, qu’il ne sera pas nécessaire de se rabattre sur des « certitudes » pour obtenir un pareil résultat.