Toute annonce de remake suscite plus ou moins d’intérêt : certains l’attendent, d’autres pas vraiment. En ce moment, la mode est aux brigands mystérieux : James Mangold a tout compris et a décidé de faire lui aussi son remake de western. Comme beaucoup de ses pairs, celui-ci a ses stars et ses moyens, à défaut d’avoir son rythme et de bousculer l’horizon d’un genre qui reste aussi immuable que ses chevaux sont éternels. Faites entrer le suivant…
La dernière fois dans Walk the Line c’était Johnny Cash qui était à l’honneur chez Mangold. Maintenant, nous avons Dan Evans (Christian Bale), père boiteux et fauché qui tente désespérément d’améliorer son crédit auprès de sa famille, et Ben Wade (Russell Crowe), bandit à la renommée célèbre qui charme autant de femmes qu’il tue d’hommes. Attiré par la somme mise en jeu, le premier accepte de faire partie de la délégation en charge d’accompagner le second – qui vient tout juste de se faire arrêter – sur le train de 3h10 pour Yuma. Il y a donc fort à parier que les trois jours de trajet vont être longs et semés d’embûches auxquelles vient s’ajouter le fils de Dan Evans, Will (Logan Lerman), très intrigué par le personnage de Ben Wade. Certains seront tués, d’autres resteront fascinés…
Corrigeons aussitôt le trait en admettant qu’ils sont censés être fascinés, car les regards faussement pénétrants et les quelques tics de brigand de Russell Crowe ne sont pas tellement convaincants ; d’ailleurs Logan Lerman ne s’y trompe pas et fait mine de s’émerveiller à chaque geste de son partenaire. Allons droit au but : on est loin de Jesse James, même si le personnage devrait plus ou moins en être une variante. De son côté, Christian Bale semble déjà plus motivé, bien que la vision de quelqu’un qui court avec une jambe en bois facilite toujours la tâche lorsqu’il s’agit de toucher la corde sensible du spectateur. D’emblée le duel des valeurs s’estompe un peu tant ceux qui devraient les représenter ne les incarnent pas ou du moins n’en sont pas habités. Il devient alors difficile de souscrire aux affirmations de Bale quand il déclare : « Avec un western, tout est réduit à l’essentiel : l’histoire d’un homme contre les éléments, un homme contre un autre homme, un homme contre lui-même. » Sa bonne foi est certaine, mais pour le coup dans cet exercice de style 3h10 pour Yuma, ça l’est un peu moins.
Comme c’était le cas pour L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, 3h10 pour Yuma est lui aussi un remake. Il s’agit en effet du western réalisé en 1957 par Delmer Daves avec Van Heflin (Dan Evans) et Glenn Ford (Ben Wade). Pourtant, là où le film d’Andrew Dominik misait sur un parti pris esthétique assez tranché, ici James Mangold ne parvient pas à faire de vrais choix : entre les scènes d’action et celles plus contemplatives, seule la bonne colonne musicale de Marco Beltrami essaye tant bien que mal de combler les trous laissés par un propos sur les valeurs pas forcément très sophistiqué. De ce fait, la musique se retrouve condamnée à rattraper les problèmes de rythme laissés par la mise en scène puisque c’est elle qui compose dans tous les sens du terme. Lourd à porter sur ses petites épaules quand l’image ne relaie point.
Vous l’aurez compris, rien de bien nouveau sur le plan de la morale : l’argent est toujours ce vilain moteur qui pervertirait l’espèce humaine si la quête de dignité n’était pas là pour l’en dissuader. Ainsi Dan Evans refuse la proposition avantageuse de Ben Wade pour rester fidèle à son objectif ; comme si le western devait rester à tout jamais le garant des bonnes valeurs américaines. Difficile de ne pas lire dans cette orientation les raisons du progressif retour en grâce du western, genre américain par excellence jadis déclaré mort et enterré. Au train où vont nos temps modernes, les États-Unis semblent décidément n’avoir plus que cette histoire comme planche de survie… Heureusement ce genre comporte également un tas d’autres éléments intéressants ; malheureusement ici il ne sont pas exploités. Plus précisément, il est dommage que ses acceptions esthétiques ne soient pas plus prises en compte pour justifier son renouveau, excepté quelques rares cas comme celui de L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford. Mais après tout comment s’étonner de cela lorsque la quasi-totalité des westerns contemporains ne fait que reprendre les anciens… Un scénario original ou du moins non « remaké » prouverait davantage que ce genre peut toujours être d’actualité puisque c’est ce dont on cherche à nous convaincre, le succès de Trois enterrements en étant la preuve. Hollywood compte quand même assez de scénaristes pour qu’il y en ait au moins un capable de nous livrer un véritable nouveau western !
Pourtant l’initiative y était puisque Michael Brandt et Derek Haas, les scénaristes de cette nouvelle version, ont choisi de creuser certains aspects moins développés dans la première version : par exemple le trajet, où le duel psychologique entre les deux protagonistes se construit petit à petit, occupe ici une bonne partie de la diégèse. Hélas, cela ne suffit pas pour inverser la tendance, par contre cela suffit à enrichir l’imposante masse de remakes oubliés.