Au fil d’Ariane vient très clairement se ranger, au sein de la filmographie de Robert Guédiguian, du côté du conte, au même titre que Marius et Jeannette ou À l’attaque. À ceci près qu’Au fil d’Ariane se trouve partiellement expurgé de l’engagement moral et politique du cinéaste, pour laisser place à une « fantaisie » (comme annoncé dans le générique de début), en une déclaration d’amour à Ariane Ascaride, qui tient le haut de l’affiche. Ariane (le personnage, donc) se retrouve seule pour fêter son anniversaire et décide de partir à l’aventure, hors de sa résidence toute équipée, pour se frotter au dehors. Guédiguian orchestre ainsi une fuite, et mêle de multiples références, que ce soit à la littérature (on pense à Alice au pays des merveilles), au cinéma (une scène de danse au pied d’un pont évoquant une version contemporaine de la séquence d’ouverture des Demoiselles de Rochefort), et à la musique (de Schubert à Jean Ferrat).
Le tissu du film est donc composite, tout comme ces extraits d’une simulation en images de synthèse viennent le souligner dès le générique, arpentant les bâtiments de la résidence moderne comme on entre à la dérobée dans l’intimité de quelqu’un. Une intrusion qui amorce paradoxalement un désir d’évasion, et où Ariane, petit chaperon rouge, va cheminer de rencontres en rencontres et se reconstituer une cellule familiale plus à son image. Mais la promesse d’une fugue libre, légère et sautillante, direction que semble prendre Guédiguian dans la première demi-heure du film, est bien vite stoppée dans sa course, lorsqu’Ariane atterrit dans le microcosme du café l’Olympique. Ce qui faisait alors le charme un peu désuet de cette échappée s’estompe, et les éléments fragiles qui la composaient tendent alors à se disperser.
Un fil décousu
La succession de scénettes prend ainsi un caractère de plus en plus incongru et foutraque, à mesure que Guédiguian mélange ode au troisième âge, personnages loufoques mais sans grande consistance, ou encore un échange douteux sur la prostitution comme gage d’indépendance. Cette dispersion devient encore plus problématique lorsque Guédiguian se pique de placer ici et là, de façon assez nonchalante, une diatribe sur les méfaits de la télé-réalité, la mort du spectacle ou une opposition dialectique entre artiste et commerçant. Le film se voit ainsi lesté d’un poids qui ne lui sied guère, et qui tente d’y faire entrer un « discours » à grands coups de sabots. Une fantaisie qui, sous couvert d’une fable du bon sens un peu vieillotte, est rattrapée par un conformisme qui semble arriver après la bataille, prenant acte de manière insidieuse de tout ce qu’il souhaiterait dénoncer.