Birds of Prey prend la suite de Suicide Squad, sorti en 2016, dans lequel apparaissait déjà Harley Quinn, petite amie du Joker devenue héroïne à part entière. À bien des égards, le film de Cathy Yan accomplit tout ce que l’opus de David Ayer ne faisait qu’esquisser, poussant plus loin son esthétique pop et crade au service d’un schéma narratif parfaitement cohérent. Conçu comme un film choral trouvant son unité dans la voix-off de son héroïne qui s’adresse directement au spectateur, Birds of Prey ne cesse de revenir sur quelques scènes d’apparence anecdotique (comme lorsque Harley Quinn casse les jambes d’un homme au cours d’une soirée arrosée) afin de mettre au jour toutes leurs conséquences et leurs implications. Le but du récit est alors de montrer à quel point ces instants agissent comme de véritables déflagrations pour l’héroïne – puis, dans une moindre mesure, pour ses comparses –, qui se retrouve systématiquement poursuivie et acculée de toutes parts. Après avoir relégué sentimentalité et tentation biographique dans un incipit animé, le film est libre d’embrasser pleinement son unique objectif : suivre les prouesses de ses anti-justicières, en révolte contre un patriarcat aux multiples visages, jusqu’à leur communion finale.
Sous le chapiteau
Ne cherchant pas à brosser un portrait métaphorique de Gotham City, comme dans la plupart des films de la franchise, Cathy Yan concentre au contraire son action dans un nombre de lieux restreint dont la majorité partage la même topographie labyrinthique (les étales d’un marché couvert, les couloirs d’un commissariat, les rayons d’un supermarché, les étagères d’une réserve de la police, etc.). Ces lignes brisées dans lesquelles les héroïnes ne cessent de se croiser, de se heurter, de se manquer ou de se fuir les unes les autres aboutissent finalement au même point de rencontre névralgique, sous le dôme monumental d’une attraction abandonnée – ce dernier renouant avec l’atmosphère foraine et dégénérée dans laquelle Tim Burton avait puisé son inspiration pour ses propres Batman. Cette veine carnavalesque se matérialise d’ailleurs au cours d’un des derniers combats, filmé comme une partie de flipper géante où la plus jeune des filles tient le rôle de la boule que chacune se renvoie.
La photographie qui oscille constamment entre des couleurs fluo et des ambiances brumeuses répond à la même logique. Au-delà d’être un simple marqueur esthétique à visée marketing, elle semble également rappeler, tout au long de l’intrigue, l’état halluciné dans lequel évoluent les personnages. Il n’est pas innocent que l’image se pare si souvent d’un voile poudreux, alors même que dans une scène de combat, Harley Quinn inspire malgré elle un peu de cocaïne échappée d’un sachet saisi par la police. Outre cette référence explicite, l’héroïne et ses acolytes se trouvent le plus souvent sous l’emprise de l’alcool ou de médicaments (la fléchette qui immobilise Harley Quinn à la fin du film), dictant ainsi en partie son rythme au film, entre trips jubilatoires et descentes violentes. La performance de Margot Robbie incarne à elle seule cette dualité, faite à la fois d’une force bravache et d’une fragilité de petite fille paumée.