On va désormais voir les films de super-héros de Marvel ou de DC Comics avec la crainte d’assister à un programme bien ficelé mais avec aussi l’espoir qu’un petit quelque chose justifie le déplacement. Ce quelque chose, simplement, peut être un grain de sable qui singularise le film et lui permet, malgré le système sériel dans lequel il se fond, de donner à penser. Quelle est la différence, par exemple, entre Batman v Superman et ce Wonder Woman, sans considérer le premier comme bien supérieur au second ? Le film de Snyder, aussi critiquable soit-il, reposait tant soit peu sur une logique d’écriture : la confrontation de deux super-héros qu’en principe tout opposait (l’un, solaire, lévite dans le ciel et se sent investi d’une mission à cause de ses pouvoirs exceptionnels ; l’autre, nocturne, vient des profondeurs et sa soif de justice trouve sa source dans une misanthropie à peine voilée) et qui se retrouvaient pourtant tous deux consacrés comme des figures de demi-dieux se targuant d’œuvrer pour des humains évincés du décor et réduits au rang de faire-valoir. Dans Wonder Woman, on retrouve certes les fondements de l’esthétique snyderienne au cœur de Batman v Superman (ralentis, lumière blafarde et ténébreuse, tableaux kitschs qui glorifient des figures olympiennes), mais celle-ci s’avère ici vidée du peu de raison d’être qui l’animait (la fascination pour des übermensch s’affranchissant des règles humaines) et ne devient plus qu’une imagerie.
Dès lors, que reste-t-il ? Un film où tout est programme, des origines mythologiques de l’héroïne à son sexe, source de décalages (l’amazone est plongée dans un monde d’hommes à la fin de la Première Guerre mondiale), aux scènes de combats, parfaitement chaotiques, et reproduisant des schémas déjà éprouvés – par exemple, Wonder Woman qui se retrouve soudainement à l’étage d’une maison peuplée d’ennemis, exactement comme Batman dans une séquence du film de Snyder. D’où l’impression d’avoir déjà vu ce film : Wonder Woman, c’est un peu Thor (même figure divine arrachée à son paradis pour marcher avec les mortels), Captain America (où le super-héros patriote combattait l’Allemagne nazie en pleine Seconde Guerre mondiale), et surtout un film de guerre particulièrement policé, sans sang ni tripes, qui veut montrer que la guerre est une chose sérieuse, horrible, que l’homme est un être faible mais qu’il a toutefois du bon, et qu’il faut donc finalement ne pas baisser les bras et « croire en l’amour ». Un film pour rien, donc, aussitôt vu et aussitôt oublié.