Comme plusieurs des meilleurs films de Sidney Lumet (Un après-midi de chien, Network, À bout de course…), Daniel sonde l’histoire sociale et politique des États-Unis à partir d’une perspective intimiste. Le cinéaste y aborde l’un des scandales les plus marquants de la Guerre froide (l’affaire Rosenberg, d’après le nom du couple qui fut condamné en 1951 pour espionnage pro-soviétique et divulgation de secrets nucléaires) en figurant son impact sur la psyché du personnage éponyme (Timothy Hutton), le fils des époux réprouvés. Le genre du film-dossier semble toutefois servir de prétexte à une autre enquête : celle que Lumet mène à travers le montage pour trouver une cohérence dans la vie mutilée de Daniel. Aussi le récit s’écarte-t-il de l’exactitude historique (les Rosenberg devenant les Isaacson) pour mieux servir cette exploration d’une trajectoire individuelle.
Par son montage très fractionné, Daniel orchestre un jeu d’allers-retours entre trois strates temporelles : l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte du personnage principal, où Daniel et sa sœur sont chacun campés par trois acteurs différents. Dans un premier temps, les souvenirs interviennent au gré de coupes abruptes, le passé s’imposant à Daniel tantôt sous la forme d’une nostalgie douce-amère, tantôt sous celle du traumatisme. De fil en aiguille, ce sont les éléments présents du récit qui font jaillir les souvenirs, comme si à mesure qu’il cherchait à faire la lumière sur la vie de ses parents, Daniel parvenait peu à peu à arracher le présent à l’emprise du passé et à lui rendre sa primauté. Une tension travaille ce principe d’association libre : si Daniel ne trouve jamais de réponse définitive à la question de la culpabilité de ses parents, il semble pourtant finir par accepter de vivre avec les blessures du passé. En articulant de la sorte les temporalités, Daniel ouvre la voie à un apaisement du personnage : comme dans la cure psychanalytique, la libération du sujet ne consiste de fait pas tant à effacer les affects qu’à les intégrer dans une totalité cohérente.