« Du sang neuf pour la légende » promettait l’affiche de cette nouvelle adaptation du Dracula de Bram Stocker – adaptation de fait très libre, mais qui se détache moins du canon qu’elle n’opère une série de cercles concentriques autour de lui, quitte à feindre de s’en éloigner pour mieux le réinvestir. Composé de trois épisodes d’une heure trente, un drôle de format entre la mini-série et l’assemblage de téléfilms – les trois épisodes épousent frontalement des décors et des modalités de narration différents –, Dracula commence particulièrement mal, comme un décalque assez honteux de l’adaptation de Francis Ford Coppola, où le château labyrinthique du comte aux dents longues est le théâtre d’un récit enchâssé (celui de Jonathan Harker, réduit à l’état de mort-vivant dans un couvent hongrois). Un twist au mitan du premier épisode rabat toutefois les cartes et éclaire la vision que porte la série sur Dracula. La figure se fait le réceptacle de la post-modernité assez bâtarde et composite cultivée par le récit, en cela qu’elle se révèle en mesure d’assimiler la connaissance de ses victimes, et fait preuve, tour à tour, d’une monstruosité bestiale ou d’un sadisme goguenard d’aristocrate misanthrope et cabotin. Dracula peut d’ailleurs être considérée, dans ses segments les plus supportables (on rechigne à dire « réussis », la série témoignant d’une médiocrité constante de la mise en scène), comme une comédie macabre articulée autour du duel entre le vampire et Van Helsing, personnage qui fait l’objet d’une transformation de taille, puisque le fantasque docteur devient une nonne caustique. C’est le cas notamment de la séquence du couvent et de l’épisode prenant place à bord du Demeter, où la série ménage ici et là quelques idées (par exemple autour de l’aptitude de Dracula à se métamorphoser, mais aussi à prendre possession de la peau d’un autre) qui tranchent avec la bouillie un peu informe caractérisant l’amorce et surtout le troisième épisode, centré sur un saut dans le temps actant l’entreprise de « modernisation » du personnage.
Car Dracula, au-delà de l’assemblage de tonalités distinctes qu’elle organise, revisite avec un aplomb parfois ridicule le cadre transylvano-britannique du roman pour lui donner un vernis contemporain, en liant par exemple les morsures de Dracula à une relation homosexuelle (c’est précisément l’objet de la question « choc » d’une nonne à Harker qui précède le surgissement du premier générique), ou en inventant à bord du Demeter une relation gay et interraciale dont la série ne fera peu ou prou rien. Il faut dire aussi que le scénario lance beaucoup de pistes destinées à demeurer en friche, à l’image de cette « fondation Harker » dans le troisième épisode, jetée à la poubelle pour que le récit puisse renouer avec son matériau d’origine et réinvestir un arc important du roman (la séduction et la mort de Lucy Westenra). Brouillonne, incohérente, voire extraordinairement disgracieuse (il faut se faire violence pour dépasser les quarante-cinq premières minutes), la série trouve cependant dans Claes Bang (le héros de The Square) un acteur à la fois suffisamment bouffon et flegmatique pour incarner les différentes facettes du personnage.