Mini-série documentaire diffusée fin août sur Netflix, High Score : l’âge d’or du gaming propose de revenir, au gré d’interviews et de séquences illustrées en pixel art, sur plusieurs « moments » importants de l’histoire du jeu vidéo, depuis l’ère de l’arcade jusqu’à l’arrivée des consoles de salon en passant par les premières compétitions e-sport. Un projet ambitieux, qui soulève d’emblée une première question : dans la mesure où le jeu vidéo est un art encore jeune, peut-on vraiment parler d’un « âge d’or du gaming » ? Cette hypothèse, qui pourrait être longuement débattue, revient de fait à considérer que le jeu vidéo aurait d’ores et déjà dépassé son pic. C’est la première grosse erreur de cette série documentaire, qui n’aura de cesse de les accumuler par la suite : envisager le jeu vidéo comme une pratique ou un art typique des années 1980, dans une perspective fétichiste et nostalgique du « bon vieux temps » des salles d’arcade et des consoles 8 bits. Sans aucune audace et en prenant la forme d’un inepte reportage télé, High Score persévère dans cette voie en faisant l’éloge de créateurs considérés soit comme des génies visionnaires, soit comme de modestes artisans ayant à jamais changé la face du monde depuis les quatre murs de leur garage (cf. l’épisode consacré au développement du premier Doom par le tout jeune studio Id Software). Nourrie au mythe du self-made-man revu à la sauce Silicon Valley, la série multiplie les entretiens de joueurs et de créateurs locaux, sans toutefois parvenir à mettre la main sur les têtes pensantes du medium, Shigeru Miyamoto et les employés de Nintendo étant par exemple réduits à quelques images d’archives et à des clichés japonisants sur leur mode de travail ou leurs sources pittoresques d’inspiration (pour Miyamoto : une balade dans un temple traditionnel qui lui aurait donné l’idée de la mécanique des anneaux dans Star Fox).
Si l’on reconnaît à la série le souci de mettre l’accent sur la diversité de ses intervenants (une partie non négligeable de femmes, de personnes transgenres et d’afro-américains sont présents), on peut regretter qu’aucun historien, chercheur ou critique ne vienne étayer les thèses et les extrapolations de la voix-off : au fond, l’objectif n’est pas de faire dans la pédagogie, encore moins d’initier le débat, mais plutôt de célébrer complaisamment une époque révolue par l’évocation de ses phénomènes de masse (les premiers tournois), ses succès marketing (la fameuse « guerre des consoles » entre Nintendo et Sega) et ses haut-faits industriels (le flop de l’adaptation d’E.T. L’extraterrestre sur Atari 2600 ou le succès fulgurant du versus fighting avec Street Fighter et Mortal Kombat). Pour mesurer pleinement l’échec de High Score, il faut en fait prendre son sous-titre français au pied de la lettre : la mention de « l’âge d’or » du jeu vidéo correspond moins à un véritable bouillonnement créatif qu’à une fascination béate pour les entrepreneurs, les opportunistes et les bulles commerciales – le « High Score » pouvant aussi être lu sous un angle strictement pécuniaire. À cet égard, le fin mot de la série s’avère pour le moins effarant. Nolan Bushnell, créateur d’Atari et de Pong (le même Nolan qui a inspiré le magnat vénal de Ready Player One), y est présenté comme un inventeur de premier ordre, jubilant aujourd’hui de son statut de pionnier. Quant aux créateurs de Spacewar!, l’un des tous premiers jeux informatiques ayant convaincu Bushnell de vénérer un temps le joystick, ils sont simplement mentionnés comme « a bunch of kids from MIT » : contrairement à l’ancien patron d’Atari, ces derniers n’auront pas eu l’idée de monétiser leur création pour graver leurs noms dans l’Histoire.