Si Netflix s’affiche dorénavant comme la plateforme incontournable pour nombre de cinéastes de renom désireux d’obtenir sans entraves les moyens de leur ambition, elle aspire aussi à révéler les auteurs de demain, à l’instar du réalisateur et scénariste britannique Remi Weekes. Ce nouveau venu dans le Landernau du cinéma horrifique engagé, récemment remis au goût du jour par Jordan Peele (Get Out), bénéficiait déjà d’une flatteuse réputation depuis la projection de His House dans une section parallèle au dernier festival de Sundance. Le passage du grand au petit écran invite toutefois aujourd’hui à la réserve tant le film déçoit les attentes placées en lui.
Sur le papier, le pitch de His House a pourtant de quoi séduire : un couple de réfugiés soudanais parachutés dans une maison décatie de la banlieue londonienne voit ses démons remonter à la surface et en investir les moindres recoins. D’autant qu’avant d’enfermer son récit entre quatre murs, Weekes a la bonne idée de s’intéresser aux corps de ses deux acteurs principaux (Sope Dirisu et Wunmi Mosaku) et d’en faire les moteurs d’une fiction sociétale suspendue à leurs déplacements. Leur physique charpenté et atypique constitue une sorte d’anomalie, voire une forme de résistance bienvenue. Filmés avec attention, les deux personnages avancent d’un seul bloc main dans la main face à la rigidité de l’administration et l’adversité des regards malveillants. Grâce à leur énergie déviante, ils contrastent avec le paysage blafard d’une Angleterre sordide, cette terre d’accueil inhospitalière esquissée à grands traits. C’est la partie la plus réussie du film : comment faire corps quand tout conspire à nuire à cette intégration ? Une coupe de cheveux suffira pourtant à mettre fin symboliquement à cette dynamique et à replacer le film sur les rails poussiéreux d’un genre (le film de maison hantée) qu’il aura un court instant fait mine de vouloir renouveler.
L’angoisse de la culpabilité chassant l’autre (celle de la guerre), on passe ainsi, logique métaphorique oblige, du corps des personnages à leur projection fantasmatique, chaque pan de mur menaçant dès lors de révéler quelques secrets trop enfouis. Weekes n’hésitant pas au demeurant à charger la barque quand il s’agit d’évoquer la disparition tragique d’un enfant ou d’empiler inutilement les explications : à grands renforts de visions traumatisantes et d’hallucinations enchâssées les unes dans les autres, les béances du récit se comblent à mesure qu’elles apparaissent dans une demeure transformée en musée des horreurs. Sitôt confiné, His House n’en finit plus en effet de citer ses pairs, notamment Wes Craven (Le Sous-sol de la peur), et accumule les scènes déjà vues au point de désamorcer toute forme de terreur. Les fantômes et autres créatures monstrueuses font littéralement partie des meubles et leur surgissement fugace dans le champ relève d’un passage obligé aussi prévisible qu’un tour de passe-passe éculé. On voit ici combien les emprunts finissent par grever ce premier film qui en oublie d’inventer sa propre mise en scène pour réciter sagement ses gammes. Peu importe la finalité d’un récit rocambolesque surtout conçu par Weekes pour démontrer l’étendue de son savoir-faire, acquis dans la pub. En matière de cinéma, on attendra encore un peu pour crier au génie.