Délaissant zombies (L’Armée des morts), Spartiates (300) et autres super-héros (Watchmen − Les Gardiens), Zack Snyder offre, en cette période de vacances scolaires, l’adaptation d’une série de romans pour enfants ayant pour personnages principaux des chouettes. Au-delà d’un titre quelque peu référencé (késako Ga’Hoole?), si l’ambiance ornithologique impressionne par sa qualité d’animation, le réalisateur persiste dans une mise en scène tape-à‑l’œil et exagérément nerveuse.
Soren, jeune chouette idéaliste, rêve des grandes batailles épiques qui auraient vu s’affronter les Gardiens de Ga’Hoole et les Sangs Purs. Bercé par ces récits mythiques, il est la cible constante des quolibets de son frère, Kludd, pour qui Ga’Hoole n’existe pas. Alors qu’ils apprennent à peine à voler, ils sont victimes d’un enlèvement par des chouettes surpuissantes, les fameux Sangs Purs. Loin de chez eux, ils vont devoir choisir entre la soumission ou la révolte. Porté par sa foi inébranlable dans l’existence des Gardiens, Soren parvient à s’évader et se lance à leur recherche pour sauver une nouvelle fois le royaume des chouettes menacé.
Film en forme de parcours initiatique, qui confronte la croyance des mythes fondateurs à la réalité, Le Royaume de Ga’Hoole surprend de prime abord par la minutie apportée à la création des volatiles. Animés par Animal Logic (déjà en charge des manchots de Happy Feet), les chouettes de Snyder sont tout simplement magnifiques. Plumages mordorés des Grands-ducs, robe immaculée de la reine des Sangs Purs, serres parfaitement acérées, yeux hypnotiques, on assiste à un défilé de haute couture version oiseaux. En plein vol, on contemple les plumes légèrement agitées par le vent, d’une incroyable véracité. Mais, s’agissant de mise en scène, les limites de l’animation se font sentir et la patte Snyder dérange bien vite cet univers plastiquement irréprochable.
Car le réalisateur ne délaisse pas ses marottes. Les combats de chouettes (au demeurant très nombreux) sont ainsi alourdis d’une grandiloquence visuelle fatigante (sans compter que la 3D demande un effort considérable de concentration). Les bestioles, harnachées de casques métalliques et de griffes d’acier, brandissant même parfois des poignards, s’étripent en l’air à coups de ralenti en pleine action aussitôt suivi d’un accéléré pompier. Les tics de réalisation déjà trop présents dans 300 prennent ici une ampleur démesurée. Remplaçant ses guerriers antiques par des chouettes, Snyder ressert la même soupe esthétique, indigeste voire vomitive. Même l’observation des oiseaux en vol stationnaire se double de zooms et dézooms anarchiques. Ces innombrables artefacts spectaculaires desservent le film, éloignant progressivement le spectateur de l’univers onirique présenté en préambule. Snyder paraît aimer les mythologies, et les batailles dantesques qui y sont affiliées, mais peine à l’humilité cinématographique nécessaire à l’épanouissement des grands récits, qu’ils concernent les hommes ou les animaux.
Présenté comme un Seigneur des anneaux alternatif (les clins d’œil à Saroumane ou au Mordor sont légion), Le Royaume de Ga’Hoole cherche son souffle épique mais s’étouffe sous une mise en scène asthmatique et convulsive, confondant héroïsme et grandiloquence. Par ses effets gros sabots et testostérone, Le Royaume de Ga’Hoole risque de ne pas convaincre le public enfantin visé. Trop agressif visuellement, il paraît être plus calibré pour les adolescents. Mais le scénario gentillet et l’omniprésence des chouettes pourraient ne pas allécher les teenagers en mal de Saw. Si le nom de Snyder résonne aux oreilles des aficionados des séries B survitaminées, le scénario du Royaume de Ga’Hoole, lui, flirte avec Disney. Les chouettes vont-elles survivre à Halloween ? Rien n’est moins sûr.