Il serait exagéré de qualifier le premier volet des Quatre Fantastiques de réussi, mais on peut à bon escient lui reconnaître que son manque de prétention, sa candeur naïve à faire exister ses personnages à l’écran et la qualité des effets spéciaux en faisaient, malgré les trahisons conséquentes envers la BD d’origine, un divertissement honnête. Évidemment, nous n’attendions pas grand-chose de sa suite, si ce n’est qu’elle maintienne le niveau de qualité minimum qu’on est en droit d’exiger d’un film qui coûte plus de 130 millions de dollars. Car c’est une somme. Et les investisseurs, devant le résultat final, ont dû se dire que c’était bien cher payé…
Reed Richards (alias Mr Fantastic) et Susan Storm (alias Invisible Woman), deux membres éminents de la célèbre équipe de super-héros les Quatre Fantastiques, s’apprêtent à célébrer leur union lors d’un mariage très médiatique, lorsque la cérémonie est interrompue par la visite d’un extra-terrestre qui provoque des catastrophes naturelles là où il passe. Voilà pour l’histoire, ou du moins l’amorce du film. Elle s’inspire d’une des sagas les plus célèbres de l’univers des comics Marvel : celle qui fit intervenir pour la première fois le Surfeur d’argent. Imaginée par Stan Lee et Jack Kirby dans les années 1960, elle a marqué à jamais l’esprit des bédéophiles (ce qui n’est pas un délit) par son imagination sans limites. Jugez plutôt : une entité gigantesque, le bien nommé Galactus, sillonne les galaxies et se nourrit des énergies des diverses planètes qu’elle croise et assèche ; convoitant la Terre, elle y envoie en émissaire son héraut – un humanoïde tout argenté surfant à travers l’espace sur sa planche tout aussi argentée que lui – où il se heurtera aux Quatre Fantastiques…
Mais cette fantaisie sert surtout ici d’échappatoire et de fourre-tout aux scénaristes. Tout se noue et se dénoue au gré de la progression du film, sans réels enjeux et sans rigueur. L’incapacité de Story à créer le moindre effet, à susciter ne serait-ce qu’une fraction d’empathie pour au moins un des personnages, laisse entrevoir de manière trop évidente la paresse du scénario et le bâclage de la production (là où tout bon réalisateur qui se respecte aurait tenté d’en faire des atouts). Seules, les quelques apparitions du Surfeur d’argent, par la qualité technique et visuelle de son design, marquent le film de légères fulgurances, vite effacées par le peu d’intérêt que le metteur en scène y porte. Un gag est d’ailleurs à l’image de cette exploitation sans âme du comics : Stan Lee, dans sa désormais incontournable apparition en guest-star, se voit ici refuser l’entrée au mariage de Mister Fantastic et d’Invisible Woman : les personnages sont désolidarisés de leur créateur, et celui-ci reste sur le carreau.
Manifestement, le film se destine à un jeune public, mais est-ce une excuse pour son scénario indigent et ses gags mièvres ? Certainement pas. Car, illégitimement, les Fantastic Four ont déjà bénéficié d’une adaptation cinématographique totalement réussie et qui s’adressait pourtant à une audience enfantine. Il s’agissait du superbe Les Indestructibles, réalisé par Brad Bird en 2004, produit par Pixar, et qui reprenait point par point, à l’aide d’un scénario sans faille, les thématiques imaginées par Lee et Kirby. Une belle preuve qu’un film de divertissement familial peut à la fois être intelligent, riche en émotion et en action, jouer de son image kitsch et rapporter des milliards de dollars à ses investisseurs. Ce qui nous rend vis-à-vis de ces quatre soit-disant fantastiques et de ce surfeur supposé d’argent encore plus intolérant.