Tsui Hark est de retour avec quatre ans d’absence, et l’échec de La Légende de Zu. Seven Swords raconte la lutte, en plein XVIIe siècle chinois, de sept guerriers contre les Mandchous, qui déciment des villages entiers, sous les ordres de l’ignoble Ravage. Le manichéisme caractéristique des films de sabre est bien là, mais aussi un récit foisonnant, aux multiples personnages, combats, rebondissements et intrigues. Et tout cela pendant 2h30. Seven Swords, c’est du grand spectacle, tourné en Scope, mais aussi de l’émotion, dans un alliage non dépourvu d’âme.
Aux origines du film de sabre, le wu xia pian, se trouve le wu xia, genre littéraire le plus populaire de Chine, qui narrait les exploits des grands héros de Chine, les mythes et légendes qui aujourd’hui encore peuplent l’imaginaire chinois. C’est aux studios de la Shaw Brothers que nous devons, dans les années 1970, les films les plus emblématiques du genre : Le Sabre infernal, La 36e Chambre de Shaolin et les Sabreur manchot. Plus proche de nous, le genre a été revisité avec plus ou moins de talent dans les récents Tigre et Dragon (Ang Lee), Hero et Le Secret des poignards volants (Zhang Yimou). Dans cet exercice aux nombreuses figures imposées, Tsui Hark effectue-t-il un retour aux sources ou renouvelle t‑il le genre ? Disons que tout en sacrifiant à certains codes du genre, Tsui Hark y apporte un souffle et une ambition qui génèrent un plaisir brut ainsi qu’un dépaysement certain.
La dimension visuelle et le spectacle des chorégraphies sont bien sûr pour beaucoup dans ce plaisir que prend le spectateur à la vision du film. Imaginées par Liu Chia-liang, acteur et chorégraphe, les combats sont – à juste titre – parmi les scènes les plus attendues du film. Nous en retiendrons comme l’un des sommets cette scène entre deux combattants acculés dans un étroit couloir, qui s’élèvent progressivement, en prenant appui contre les murs. Est-ce qu’on attend autre chose d’un film de sabre ? Des combats inventifs, rythmés, presque dansés, qui apportent force et beauté à ces scènes qui ne sont rien d’autre que des luttes pour la survie ou pour l’honneur. La partition musicale particulièrement trépidante du japonais Kenji Kawai leur apporte d’ailleurs juste ce qu’il faut de tension.
Mais que l’on ne s’y méprenne pas, Seven Swords, même s’il comporte au début son lot d’yeux crevés, de membres arrachés et de têtes coupées, n’est pas qu’une histoire de tueries et de règlements de compte. Sur un film qui durait initialement quatre heures, Tsui Hark dévide bien entendu beaucoup d’autres fils et s’intéresse autant à l’Histoire de la Chine qu’aux destins individuels de ses personnages. Wu, courageux petit bout de femme faisant partie des sept guerriers, Perle de Jade, esclave coréenne et concubine de Ravage, Fu, le vieil homme qui fut jadis un assassin et qui désormais se bat pour se défendre et en prenant bien garde de ne pas tuer, tous ces personnages – peut-être trop ? – apportent au film une dimension plus humaniste et créent des moments de respiration et de repos, aussi bien pour eux que pour nous.
Il est certain que, le film ayant été réduit de 4h à 2h30, la psychologie des personnages apparaît simplifiée. Il faut bien reconnaître également que l’on ne comprend pas tout à ces nombreuses sous-intrigues, mais – et c’est là le plus merveilleux – ce n’est pas grave du tout ! Voilà un film où certains éléments nous échappent, où – regard occidental oblige – nous ne faisons pas toujours bien la distinction entre les personnages dont les interprètes se ressemblent (en particulier les deux sœurs), mais où cependant le plaisir, jaillissant de ce foisonnement, reste intact. Film de divertissement presque primaire, viscéral, Seven Swords est avant tout un spectacle de grande qualité, confectionné par des amoureux des arts martiaux et des sabres, par ailleurs véritables objets d’art. Le film serait même un avant-goût d’un univers beaucoup plus vaste, puisque des épisodes de série télé et d’autres longs métrages sont en projet ou déjà dans la boîte. À suivre, donc…