Réalisé par l’acteur Thomas M. Wright, The Stranger appartient à ces films qui misent tout sur une stratégie narrative aux allures de poker menteur. Ce que raconte le film est assez passionnant : pour piéger Henry (Sean Harris), le suspect d’un meurtre d’enfant vieux de huit ans, une équipe de police australienne monte un complexe simulacre. Par une série de pseudo hasards savamment calculés et l’action d’intermédiaires jouant tous un double jeu, Henry croit intégrer une puissante organisation criminelle, en réalité entièrement fabriquée dans le seul but de lui arracher des aveux. Tandis qu’il croit gagner ses galons (le récit se déroule sur plusieurs mois), le scénario dévoile progressivement les rouages de la gigantesque machination dont il fait l’objet. L’intérêt du film réside dans le jeu dangereux qui lie le suspect à Mark (Joel Edgerton), le policier infiltré qui l’accompagne dans diverses fausses besognes : tandis que l’étau se resserre centimètre par centimètre sur le premier, le second se rapproche inextricablement du cœur des ténèbres. The Stranger devient presque alors, par petites touches, un film d’horreur (comme dans ce beau plan fugace où Mark croit apercevoir la silhouette hirsute d’Henry dans son salon, alors que son fils dort à quelques mètres).
Hélas, il y a un « mais » de taille : avant de pleinement se sédimenter, le récit repose sur un montage elliptique à la temporalité chamboulée. Truffé de cuts abrupts et de fragments épars, le film s’embrouille inutilement pour retarder le plus longtemps possible la compréhension des enjeux. Ce « confusionnisme » esthétisant (exemple : un raccord brutal entre une respiration et une épaisse colonne de fumée noire) rend non seulement la première heure très boiteuse, mais confère à l’ensemble un ton sentencieux, comme pour souligner le fond métaphysique du récit : il s’agit de toucher au plus près la noirceur du mal, cachée dans les tréfonds d’un personnage qui, au premier regard, n’a pas l’air d’être un monstre. Ce parti pris est d’autant plus regrettable que le film brille au contraire lors de situations détaillées sous toutes les coutures, où l’on voit les coulisses (les policiers se préparent comme des acteurs), la surveillance des équipes, la progression du « script » policier, etc. Si bien que le film d’abord agace puis intrigue, avant de laisser quelques regrets : en cherchant à complexifier un cas d’étude taillé pour le cinéma (le scénario est inspiré de faits réels), The Stranger semble s’être pris les pieds dans le tapis.