Neuf ans après Gare du Nord, sa dernière fiction mâtinée de documentaire, Claire Simon affirme avec Vous ne désirez que moi un goût semblable pour le brouillage des codes et des genres. Adaptation de l’entretien entre Yann Andréa, le dernier compagnon de Marguerite Duras, et Michèle Manceaux (qui fut retranscrit après la mort d’Andréa dans un livre intitulé Je voudrais parler de Duras), la réalisatrice ne se départit pas véritablement d’une approche documentaire. Elle filme l’entretien, fil rouge du film, avec une seule caméra. Ce dispositif lui permet de cadrer l’un ou l’autre des personnages, qu’il parle ou qu’il écoute, à l’aide de panoramiques parfois hésitants nourrissant un désir de réalisme. Seulement, il apparaît bien vite que la sécheresse de la mise en scène, entrecoupée de quelques brèves images d’archives et de flashbacks, peine à donner corps à ce texte. Il en va ainsi des extraits : intervenant dans le montage lorsqu’Andréa parle d’événements précis, ils témoignent davantage d’un souci de précision historique que d’un désir de réinvestir par l’image la matière du témoignage. D’où une certaine frustration : les choix de Simon, en apparence forts, participent au sentiment d’assister à une reconstitution étonnamment fade.
Seule une séquence vient véritablement interrompre le quasi monologue d’Andréa, pendant la nuit qui sépare les deux jours d’entretien. Dans son lit, Michèle Manceaux imagine les ébats sexuels de Duras et Andréa, décrits précisément et crument pendant l’entretien. Cette série de projections érotiques constituée uniquement de dessins à l’encre figure le refus d’une démonstration en même temps qu’il dit avec justesse la position délicate de la journaliste, plongée dans l’intimité du couple. Mais sans plus de mise à distance, et surtout en l’absence d’un regard plus affirmé sur le récit torturé d’Andréa, le film semble ne dépendre que de la force du texte qui le fonde.