Samedi 31 mars 2012 à 11h15, Centre Pompidou, petite salle (niveau ‑1), entrée libre dans la limite des places disponibles.
Dans la continuité de celle de l’an dernier, Critikat organise une table ronde dans le cadre de la 34e édition du Festival Cinéma du Réel. Matthieu Chatellier, Alessandro Comodin, Sophie Letourneur et Claire Simon seront réunis pour échanger autour de l’intitulé « Personnages ». Arnaud Hée et Alice Leroy se chargeront de l’animation de débats rythmés par plusieurs extraits, dont deux de Géographie humaine, un documentaire sur la gare du Nord que Claire Simon est en train de terminer avant de tourner très prochainement son pendant fictionnel.
Comme souvent au cinéma – qu’il soit documentaire ou de fiction –, les problématiques les plus actuelles sont aussi les plus anciennes. Comment filmer l’Autre ? Où positionner la caméra, comment se placer en tant que filmeur et corps ? Comment raconter une histoire sans trahir le filmé lors de l’étape du montage ? Ces questions essentielles relient trois instances : le filmé, le filmeur et la caméra, qui seront nos trois « Personnages » saisis dans un perpétuel dialogue.
Comme l’an dernier, nous suivrons le processus de création d’amont en aval. Tout d’abord, la naissance des personnages, ce qui fait jaillir le désir de film. S’il peut bien s’agir d’un Autre, ce peut être soi-même, c’est-à-dire s’imaginer dans le cadre comme personnage-cinéaste présent physiquement par le corps, la voix ou le simple fait d’être au cadre. En effet, après coup, nous avons remarqué que Matthieu Chatellier, Alessandro Comodin et Claire Simon tiennent au fait « d’être » à la caméra. Le second moment est celui du tournage, où, dans le cadre du cinéma documentaire, le film peut devenir tout autre en prenant des chemins de traverse singuliers. Ceci est notamment lié au rapport triangulaire entre ces trois instances, à travers lequel une circulation s’opère entre le désir de filmer et d’être filmer, de mettre en scène et de se mettre en scène, où se joue un rapport complexe entre liberté, négociation et contrainte du dispositif filmique. Enfin, après le tournage se dessine un moment possible de recomposition des personnages, de leurs rôles au sein d’une dramaturgie construite.
Il nous a semblé particulièrement intéressant de convier Sophie Letourneur, dont la dimension fictionnelle des films n’empêche pas un travail à partir d’une matière documentaire, concernant notamment la parole, l’un des axes essentiels de son cinéma. Si Roc & Canyon (2007) représente son œuvre la plus clairement hybride, Le Marin masqué (2011), son dernier court-métrage a priori absolument anti-naturaliste, n’est pas étranger à la question documentaire, ainsi que La Vie au ranch (2010), Manue Bolonaise (2006) et La Tête dans le vide (2004).
Matthieu Chatellier était présent au Festival du Réel 2011 avec deux films : Voir ce que devient l’ombre et Doux amer. Le premier tisse le portrait intime du couple d’artistes Cécile Reims et Fred Deux, et compose avec sensibilité un duo de précieux personnages – rarement réunis dans le même cadre. Doux amer se distingue fortement par la forme du journal filmé, celui d’une maladie qui fait irruption dans l’existence du filmeur et met en jeu – de bien des manières – le corps du filmeur, y compris à l’image.
Avec L’Été de Giacomo (2011) – qui sortira dans les salles en juillet prochain –, Alessandro Comodin n’a pas réalisé qu’un parcours festivalier remarquable (Locarno, Rotterdam, Viennale, Belfort…) ponctué de plusieurs prix. Partant d’un geste documentaire, son film explore les grands récits à partir de l’évocation de l’été initiatique d’un jeune homme, Giacomo, qui, grâce à une opération, peut entendre pour la première fois. Auparavant, Alessandro Comodin avait réalisé Jagdfieber (2009), film de fin d’étude (à l’INSAS de Bruxelles), qui fut sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes.
Claire Simon est lancée dans un ambitieux projet autour de la gare du Nord à Paris. La partie documentaire est déjà réalisée (Géographie humaine), elle tournera la fiction à partir du mois d’avril avant qu’une pièce de théâtre ne vienne relayer les deux films. La cinéaste nous fait donc l’amitié de mettre à disposition des extraits de Géographie humaine, impressionnante déambulation au sein du lieu-personnage où elle se plonge et plonge un acteur documentaire qui fut le personnage d’une de ses premières réalisations, Mon cher Simon (1983). S’il ne s’agira pas d’éluder l’ensemble de la riche filmographie de Claire Simon – qui pourrait évidemment faire l’objet d’un examen par le prisme du personnage (citons Moi non ou Patricia et l’argent, Les Patients, 800 km de différence, etc.) –, il sera largement question de ce dernier film.
Nous tenons à remercier très chaleureusement et amicalement l’ensemble de l’équipe du Cinéma du Réel de nous donner la possibilité de mettre en place cette table ronde, en particulier Javier Packer-Comyn, son directeur artistique. Merci aussi, évidemment, aux quatre cinéastes qui ont répondu positivement avec enthousiasme à notre invitation, et avec lesquels il a été fort agréable de préparer ce moment où nous vous attendons nombreux.