Nous n’avons pas tout vu de cette 66e édition (notamment, en compétition internationale, Histoire de ma mort d’Albert Serra, le Léopard d’or, ou encore Éducation sentimentale de Julio Bressane), ce qui nous empêche donc d’avoir un véritable regard d’ensemble. Point de randonnées cependant dans les tentantes vallées environnantes, ni de longues baignades dans les eaux calmes du lac : petit tour d’horizon de ce que nous avons pu offrir à nos regards.
Cette 66e édition était la première de Carlo Chatrian, nommé suite au départ d’Olivier Père. Loin d’un bouleversement, il a plutôt procédé à des ajustements en attendant, peut-être, d’imprimer davantage sa marque lors des prochaines éditions. Une évolution perceptible toutefois, résidant dans la distinction plus nette entre les deux principales compétitions : concours international et cinéastes du présent. Nous l’avions noté dans notre édito et le directeur artistique lui-même énonçait cette volonté dans une interview que l’on peut lire dans le numéro d’été des Cahiers du cinéma.
Palmarès solide
Locarno reste Locarno, c’est le sentiment qui ressort d’un palmarès récompensant des œuvres exigeantes : Léopard d’or pour Histoire de ma mort d’Albert Serra et Prix spécial du jury décerné à E Agora ? Lembra-Me de Joaquim Pinto. Le président du jury, Lav Diaz, habitué aux durées fleuves pour ses propres œuvres, s’est peut-être reconnu dans ces deux films tutoyant les trois heures. Hong Sang-soo complète ce qui apparaît comme un fort beau trio, dont on aurait éventuellement pu interchanger les prix. Cela devient une (mauvaise) habitude, on s’en excuse ; il y a un an, nous avions raté le Lion d’or à Venise (Pietà de Kim Ki-duk), nous avions eu du mal à faire semblant d’être vraiment déçu ; il n’en est pas de même pour Histoire de ma mort d’Albert Serra. Que peut-on s’autoriser à dire d’un film que l’on n’a pas vu ? Pas grand-chose évidemment, sinon que l’Espagnol poursuit sa (re)visite des grands récits ; après Don Quichotte (Honor de Cavalleria) ou les Rois Mages (Le Chant des oiseaux), voici le tour de Casanova au crépuscule de sa vie. Quittant son ermitage suisse, il se rend dans les Carpates et rencontre un type aux dents aiguisées nommé Dracula. On peut parier que l’exigence artistique est élevée et la singularité au rendez-vous. Nous y reviendrons bientôt dans nos colonnes puisque la sortie française du Léopard d’or est déjà calée : 23 octobre prochain.
E Agora ? Lembra-me de Joaquim Pinto (Prix spécial du jury) constitue indéniablement l’une des belles découvertes du festival, et la confirmation qu’il est bienvenu d’ouvrir les grandes compétitions au cinéma documentaire, une marque de Locarno que Carlo Chatrian, sans surprise, poursuit. L’ampleur du film fait qu’il est difficile d’en rendre compte brièvement. Ce ne serait pas faux de parler du journal filmé d’une maladie, mais réducteur. Joaquim Pinto – cinéaste mais aussi ingénieur du son de premier plan et producteur, notamment de João Cesar Monteiro – vit avec le sida et une hépatite depuis près de vingt ans. Très vite se met en place un double régime : un tableau du présent cohabite avec une sorte d’archéologie de la mémoire – de la maladie, du cinéma, du Portugal, à la fois individuelle et collective. Ceci pourrait rendre le film boiteux, ce qui aurait sans doute été le cas si Joaquim Pinto ne témoignait pas d’une verve toujours renouvelée, passant par un montage brillant et la convocation de tous les moyens du cinéma au service d’un récit vif, dynamique et prenant, d’une grande inventivité pour « écrire » la vie. Grâce à ce talent E Agora ? Lembra-me parvient à nouer un dialogue entre des opposés : intime et universel, concret et méditatif, terre-à-terre et cosmique, frontal et pudique. Filmer revient ici à arracher les choses et les êtres à leur disparition – les vivants, mais aussi des formes de résurrection des morts – et à chercher une façon d’être au monde ; celle tissée par Joaquim Pinto dégage une vigueur et une poésie rares.
On le sait désormais, chez Hong Sang-soo, c’est toujours pareil et jamais la même chose, Our Sunhi ne déroge pas à la règle. Le Coréen est lancé dans un rythme frénétique de production – il a présenté Nobody’s Daughter Haewon lors de la dernière Berlinale –, une fréquence qui semble stimuler le maître de la répétition-variation (entre les films et au sein d’eux-mêmes) du cinéma contemporain. Il méritait bien, au moins, le Léopard du meilleur réalisateur. On pense aux grands cinéastes japonais ou américains de studio qui, loin de s’épuiser, trouvaient dans ces tournages rapprochés une souplesse, une vigueur et une inventivité constantes. Hong Sang-soo, on le sait, évolue cependant bien loin de l’industrie, avec un film tourné en six jours. Soit donc ici Sunhi qui rend visite à un ancien professeur de cinéma afin qu’il lui rédige une lettre de recommandation. Elle rencontre ce même jour deux autres hommes : un ex et le récipiendaire du même diplôme qu’elle. Our Sunhi a quelque chose de cristallin du fait de son sens de l’épure, une fausse simplicité dissimulant un geste semblable à celui d’un origamiste ; un film fait de plis, dotés d’une géométrie rigoureuse et complexe, d’effets virtuoses de symétrie et de miroir. Le scénario et la mise en scène se fondent en une entité indistincte dans un système de rimes et de correspondances incluant également une mémoire des lieux – pour le personnage comme pour le spectateur.
Sunhi fait face à trois hommes lui renvoyant la même image – une femme intelligente, un peu bizarre, courageuse, qui doit creuser au plus profond d’elle-même pour s’accomplir –, jusqu’à ce que le trio soit réuni et renvoyé face à lui-même alors que la jeune diplômée se voit proposer une autre version d’elle par le biais de la lettre élogieuse du professeur. Our Sunhi constitue un brillant conte mélancolique, émouvant et drolatique, sur la difficulté d’être et l’invention de soi, bercé par la douceur d’un travail chromatique dominé par les teintes automnales. Hong Sang-soo apparaît encore plus qu’un cinéaste que l’on aime, il s’agit d’un ami précieux.
Si le prix d’interprétation féminine va à l’actrice et non au film, on est plutôt d’accord avec celui attribué à Brie Larson, qui dégage effectivement une grande conviction dans Short Term 12 de Destin Cretton, seule production américaine de la sélection officielle. Le film est quant à lui bien moins concluant. Il s’agit de la chronique d’un centre d’accueil pour adolescents difficiles supervisés par de sympathiques jeunes adultes, notamment Grace, à fleur de peau, et son petit ami, super cool et amoureux. Les pensionnaires sont le miroir de ceux qui s’en occupent, qui les comprennent mieux que ce psy le derrière bien calé derrière son bureau, ce qui renvoie à une pensée assez populiste. Short Term 12 se dote d’ailleurs d’un scénario à l’avenant, dont la visée est de télécommander l’émotion et l’adhésion.
Le pendant masculin du prix d’interprétation est allé à Fernando Bacilio, qui le mérite bien avec une composition subtile et touchante dans El Mudo. Daniel et Diego Vega formulent par ailleurs une des propositions convaincantes de cette compétition. Un juge reçoit un soir une balle qui le blesse, et le prive de la parole ; dans une sorte d’errance, il mène alors l’enquête de façon plus ou moins extrajudiciaire, soutenant qu’un attentat l’a visé tandis que la police comme sa famille concluent à une balle perdue. Le film est doté d’une violence sourde et d’une intrigante opacité kafkaïenne, avec un humour aussi discret et diffus qu’efficace. Alors que dans sa fonction de juge la société venait à lui pour y exposer ses doléances, l’incident le conduit à un changement de point de vue. Ceci occasionne, d’une certaine manière, une nouvelle acuité et un cheminement en direction du monde, des siens (sa femme et sa fille) et de lui-même, par le regard et la manière d’engager son corps vis-à-vis de ces instances. Si El Mudo semble quelque peu enlisé par moments, les Vega parviennent toujours à relancer leur récit, particulièrement dans le dernier mouvement du film, à la fois allègre et émouvant. (AH)
Par ailleurs
When Evening Falls on Bucharest or Metabolism a été l’un des points forts du festival, et c’est indéniablement le film le plus abouti de Corneliu Porumboiu. Moins anecdotique que le prometteur coup d’essai 12h08 à l’est de Bucarest, moins aride que le pourtant très habile Policier, adjectif, le réalisateur roumain y trouve une forme de sérénité et livre une œuvre à l’équilibre quasi parfait. Comme son titre ne l’indique pas, When Evening Falls on Bucharest or Metabolism nous plonge dans le milieu du cinéma roumain. On y suit un couple formé par un réalisateur et une
actrice, pendant un tournage. Mais le film n’est pas la chronique de ce tournage, il s’attache davantage à saisir des moments intimes et à prendre la température de cette relation qui s’avérera être sans lendemain. Avec une inventivité frisant la maestria, Porumboiu livre une série de réflexions passionnantes sur son métier. Dans une scène de dîner très réussie, les personnages dissertent de l’impact de l’utilisation des baguettes sur la cuisine asiatique, et tressent judicieusement des échos avec une discussion préalable sur l’évolution des caméras et leur conséquences sur le futur du cinéma. Porumboiu propose également un captivant jeu de miroirs lorsque, après avoir cherché pendant de longues heures la manière la plus juste d’interpréter une scène, le réalisateur se retrouve à la vivre « réellement ». Véritable leçon de cinéma de Porumboiu qui montre la voie à son double fictif avec une mise en scène magnifiant les cadres de porte, figuration des passages obligés autour desquels le cinéaste est libre de s’exprimer. When Evening Falls… s’attaque aussi à la face sombre du milieu, aux phénomènes de manipulations (de l’image et des personnes – le réalisateur truquant ses images d’examens médicaux pour obtenir une assurance, ou poussant son actrice à faire une scène nue) et à l’impossible équilibre entre relations personnelles, ambitions et sacrifices. Il n’y a maintenant plus de doute, Corneliu Porumboiu est bien l’un des chefs de file les plus doués du cinéma d’auteur international.
Real de Kiyoshi Kurosawa, très attendu en raison de la notoriété de son auteur, est passé assez inaperçu et peu en ont parlé durant le festival. Et pourtant le dernier cru du cinéaste japonais est loin d’être dénué d’intérêt : dans une ville étrange où tout paraît artificiel, un jeune homme dont la petite amie se trouve dans le coma suite à une tentative de suicide rentre en contact avec elle grâce à une nouvelle technologie (le « sensing »), qui permet de communiquer avec les personnes inconscientes. Le couple se retrouve alors dans cette autre dimension, moins pour explorer les raisons du geste désespéré de la jeune femme que pour élucider un passé qui les hante tous les deux. Si l’intrigue comprend un twist scénaristique qui peut apparaître superflu, Real dresse, avec de nombreuses références au cinéma de genre japonais (revenants et monstre marin assoiffés de vengeance entre autres), le portrait inédit d’une relation amoureuse qui perdure au-delà de tout, même de la mort ; le couple retrouvera l’unité de la relation dans un final entre mélodrame et film catastrophe. À noter l’esthétique époustouflante du film : grâce à un travail sur l’image et le son, les personnages semblent évoluer dans des lieux totalement factices, à l’atmosphère sourde, dénués de profondeur et d’aspérités, fait qui accentue le caractère inquiétant et menaçant de l’intrigue. Cet excès de superficialité n’est pas sans rappeler le caractère préfabriqué de certains quartiers de Locarno. Durant la présentation du film, Kiyoshi Kurosawa a d’ailleurs interrogé la « réalité » de la ville, évoquant la possibilité d’y tourner un jour une fiction… À suivre.
Le premier opus de ces jeunes cinéastes avait déjà capté notre attention. Film sensoriel utilisant à plein la puissance évocatrice et le langage du cinéma de genre (le giallo italien), Amer était un film en lévitation, une étoile lointaine et brillante dans les cieux de la planète cinéma. L’Étrange Couleur des larmes de ton corps est plus ambitieux, au sens noble du terme. Il tente de mettre le langage cinématographique développé dans Amer au service d’une narration plus serrée, de construire une histoire à l’aide de briques d’un cinéma purement sensitif. Le film a pour décor un magnifique immeuble art nouveau bruxellois dont les locataires disparaissent. À la question : « y a‑t-il besoin de moments de latences, de respirations dans un récit ? », Hélène Cattet et Bruno Forzani répondent par la négative, et avalent les 1h40 de leur film sans relâcher un instant la pédale de l’accélérateur. Les moments de bravoure s’enchaînent, entre l’utilisation d’images fixes, une séquence en boucle – à haute intensité psychanalytique – dans laquelle le même personnage joue à la fois la victime et son agresseur, ou encore un somptueux interrogatoire monté en split-screen mouvant, qui se reconfigure au gré de l’évolution du dialogue. Autre atour important de ce film sur lequel on espère pouvoir revenir plus longuement lors de sa sortie en salle : l’idée géniale de faire cohabiter une atmosphère violente, angoissante et fantastique (exprimée par une imagerie cuir / poignard), et un élan souterrain universaliste, tous les personnages étant au fond d’eux-mêmes animés par une croyance quasi romanesque en la force de l’amour. Cette force motrice utopique (encore un clin d’œil au cinéma des années 1970) propose une alternative bienvenue à l’esprit dominant du cinéma contemporain – rongé par cette crise qui n’en finit pas.
Comme Cattet et Forzani, on croit à un 7e art porté par une mise en scène racée et par des croyances en des valeurs quelque peu révolues. Le contraste avec l’insipidité de la proposition de l’autre « grand espoir » de la compétition internationale présent à Locarno (Guillaume Brac) est criant, et notre camp est très vite choisi. La direction prise par les réalisateurs avec ce deuxième film – celle de mettre leur talent formel au service d’une histoire et d’un propos – est probablement la bonne, et l’on attend qu’ils continuent à creuser ce sillon dans leur prochain projet. Paradoxalement, c’est peut-être en en faisant un peu moins qu’ils parviendront à parfaire l’équilibre général de leurs films et à s’imposer au-delà d’un public adepte du cinéma de genre. (FC)
On est heureux d’avoir pu découvrir de façon conjointe les deux films de Claire Simon : Gare du Nord en compétition et Géographie humaine hors compétition, une chose que sans doute seul, parmi les grandes manifestations internationales, le festival de Locarno pouvait initier (Carlo Chatrian connaît très bien le travail de la cinéaste française avec laquelle il avait mené – avec Daniela Persico – un passionnant livre d’entretien du temps où il travaillait pour le Festival dei Popoli de Florence). On ne pourra pas compter sur la distribution (française du moins) puisque Géographie humaine n’est pour l’instant tout simplement pas prévu pour une sortie en salles…
Si ces deux films peuvent être vus indépendamment, il est évident qu’ils s’alimentent et communiquent, la fiction (Gare du Nord) profite particulièrement de son pendant documentaire. Dans ce dernier, intitulé Géographie humaine, la cinéaste est accompagnée de Simon, ami et déjà personnage du court métrage Mon cher Simon réalisé en 1982. Ce fils d’immigré à l’accent méridional fait figure d’acteur documentaire et d’aiguillon à la rencontre du lieu, de leurs habitants (sédentaires et nomades), et de lui-même. Gare du Nord (sortie le 4 septembre, nous y reviendrons donc bientôt plus longuement) initie une autre immersion en plongeant ses personnages – fictionnels – dans le même lieu suivant une logique chorale. Il émane de ces deux films une volonté (et capacité) à ce que l’instance d’énonciation soit le lieu, qui fait figure d’ouvroir à histoires et de contenant de celles-ci. Aussi, pour Simon dans Géographie humaine comme pour les personnages de Gare du Nord, la station labyrinthique – se déployant autant horizontalement que verticalement – agit comme un miroir, et ce lieu de flux devient la métaphore du passage de chacun dans l’existence.
D’autres films de la compétition internationale nous ont laissé plus ou moins dubitatifs, comme Une autre vie d’Emmanuel Mouret, qui a assurément le mérite d’être gonflé et risqué. Le cinéaste abandonne ce qui fait sa marque de fabrique depuis une dizaine d’années, la comédie sentimentale sophistiquée, pour s’emparer du mélodrame – en ne lésinant pas sur les coulées musicales « herrmanniennes ». Aurore tombe amoureuse de l’électricien venu poser les alarmes dans sa villa du sud de la France, où elle s’est retirée pour mettre entre parenthèses sa carrière internationale de pianiste. Tout irait pour le mieux si la femme de ce dernier, lui aussi mordu par la passion, ne se révélait pas une fieffée manipulatrice.
Altérité sociale et désirs ardents contrariés (on peut par exemple reconnaître, en partie, la trame de Tout ce que le ciel permet de Douglas Sirk), on tient là des ingrédients bien connus, sauf qu’Emmanuel Mouret semble souvent illustrer un livre de la collection Harlequin. Du moins avant que le personnage de Dolorès, l’épouse délaissée, ne prenne enfin corps ; faux-semblants, chausse-trappes et jeux de dupes donnent alors davantage de relief au film. Mais Une autre vie ne sait jamais se départir d’une sécheresse théorique où manque l’espace pour une dimension charnelle – qui opère de façon très très intermittente – et émotionnelle (quasiment nulle) ; un mélo qui ne tire pas les larmes en est-il un ? Pourtant, bizarrement, on reste finalement intrigué face à ce virage dans la filmographie de Mouret, que l’on peut considérer – on l’espère – comme un strapontin prometteur vers des films plus convaincants. On ne sait pas véritablement comment se placer non plus face à Mary Queen of Scots de Thomas Imbach, qui suit le destin de reine contrariée de Marie Stuart. Si les pièges du biopic d’époque boursouflé sont plutôt évités – par des contrepoints, notamment une sorte de présence contemporaine instillée par l’interprète principale Camille Rutherford –, le récit, adapté de la biographie romancée de Stefan Zweig, ne semble pas tenir un véritable cap ; on ne sait s’il s’agit d’une tragédie du pouvoir, d’une utopie contrariée (une jeunesse qui prendrait ce pouvoir) ou d’un drame de la condition féminine. (AH)
Petite forme également pour Shinji Aoyama. Le personnage principal de sa dernière livrée – Backwater – est Toma, un adolescent découvrant sa sexualité avec l’angoisse de porter en lui les gènes de son père qui violente ses partenaires. Le sujet est valable, mais le résultat médiocre. Au débit du film, une progression dramatique portée sur la surenchère (tout le monde finit par coucher avec tout le monde, la compagne du père demande elle-même à être battue), des motifs rebattus sans souffle nouveau (une rivière, des hommes violents, des pulsions sexuelles, un orphelin, un meurtre, le Japon des petites villes perdues). Une impression de contretemps émane de Backwater, qui aurait tout aussi bien pu être produit il y a quinze ans, entre la sortie de l’Anguille d’Imamura et celle d’Eureka.
Tonnerre est une rom-com à la française, solidement ancrée dans le terroir provincial (c’est la petite ville de Tonnerre – dans l’Yonne – qui sert de cadre à l’intrigue). Le premier long-métrage de Guillaume Brac s’articule autour des amours de Maxime (Vincent Macaigne, rockeur à succès qui revient s’établir temporairement chez son père) et Mélodie (Solène Rigot, jeune journaliste du quotidien local). Film pépère d’où pas grand-chose ne dépasse, on cherche en vain les idées de cinéma qui justifieraient le statut annoncé de Brac (jeune cinéaste prometteur). Il y a bien une tentative aux trois-quarts du film de mâtiner la comédie romantique d’une touche de film noir (avec le dérapage violent de Maxime qui enlève Mélodie), mais celle-ci n’est pas pleinement assumée (le film revient vite vers son registre initial) et peine à convaincre, pas aidé par un Vincent Macaigne qui semble être plus à l’aise dans des rôles burlesques (La Fille du 14 juillet) que dramatiques. On préférera donc qualifier Brac d’honnête faiseur plutôt que de futur génie du cinéma, et lui laisser le temps de rajeunir un peu. Une pincée de fantaisie et quelques initiatives de mise en scène ne feront que bonifier sa maîtrise plutôt solide mais peu inspirée des codes du cinéma français. (FC)
La sélection officielle a aussi accueilli des films qui ne semblaient pas à leur place à Locarno. C’est le cas de Tableau noir d’Yves Yersin, une sorte de Terrence Malick helvète qui n’avait pas réalisé de long-métrage depuis Les Petites Fugues, très beau film réalisé en… 1979 ! En 2013, il s’agit de la chronique d’une petite école rurale du Jura suisse, une classe unique sous la férule d’un maître expérimenté. Impossible évidemment de ne pas penser à Être et avoir, mais sans – loin de là – les qualités de réalisation et de regard de Nicolas Philibert. Plus embêtant, le documentaire de Philibert semble doté d’une dimension subversive, du moins en comparaison avec Tableau noir, long chapelet (presque deux heures) de situations (et non de plans et de séquences cinématographiques) souffrant en plus d’un montage calamiteux. On s’épuise devant la succession de cartes postales suisses ; après le ski de fond, la patinoire, puis la fromagerie et les vaches. On se dit alors qu’on n’évitera pas la chocolaterie : pari tenu ! Le cas de Wetlands de David Wnendt est bien différent, mais représente un autre gros raté de la compétition. Adapté du roman d’une figure médiatique allemande (Charlotte Roche), il s’agit d’une œuvre prétendument sulfureuse (une adolescente hemorroïdaire transgressive et cradingue) mais, in fine, très digne représentante du conformisme télévisuel, le tout tartiné d’une épaisse soupe visuelle musicale et sonore dannyboylesque. (AH)
Pays barbare (de Yervant Gianikian et Angela Ricci Lucchi) était le représentant de la frange expérimentale du cinéma documentaire dans la compétition internationale. Sur le papier, le programme était prometteur : un montage d’images d’archives et de found footage datant de la colonisation italienne de l’Éthiopie sous Mussolini. Le résultat, quant à lui, est tout simplement navrant. À quelques exceptions près, les images sont quelconques, et leur potentiel expressif relativement limité. On a l’impression que les réalisateurs ont raclé les fonds de tiroir pour arriver à boucler les 65 petites minutes de leur film. La voix off égrène un discours plein de bonne volonté mais d’une légèreté étonnante (en substance, le fascisme, la colonisation et les génocides c’est vraiment pas bien) et apostrophe le spectateur en direct pour s’assurer qu’il ne va pas – lui – se rendre coupable de collusion avec le fascisme contemporain. La séquence finale – une série de photographies d’époque présentée dans des cadres tremblés aux bords desquels on discerne des doigts qui tentent de caler les photos – renforce l’impression d’amateurisme. Enfin, on a été achevés par cette voix chevrotante de grand-mère qui fait des vocalises en martelant une partie des textes. On se demande si Carlo Chatrian a vraiment rendu service aux réalisateurs en soumettant Pays barbare à l’exposition médiatique de la compétition internationale. (FC)
Mais aussi
Locarno, bien heureusement, demeure un ouvroir des écritures cinématographiques, en compétition officielle mais aussi avec la section cinéastes du présent qu’il a été, pour les raisons déjà évoquées, difficile de suivre de façon approfondie.
On a pu cependant découvrir L’Harmonie de Blaise Harrison, auteur du remarquable Armand, 15 ans l’été en 2011. On peut tout à fait reprendre les termes du catalogue nous indiquant une « communauté bigarrée, à la recherche de l’accord. » On suit donc l’harmonie (musicale) d’un petit village, et le film lui aussi se met à la recherche de l’accord, ceci passant par la quête d’une solution de montage – cette problématique pouvant apparaître comme le second récit du film. L’Harmonie fait alterner scènes musicales et séquences de la vie quotidienne comme autant de passages entre un loisir et l’existence prosaïque de chacun, aussi entre le collectif et l’individuel. Ce premier long-métrage de Blaise Harrison avance comme un théorème à solutionner (quelque chose comme : vie x collectif / musique + solitude / ensemble x fragment), jusqu’au beau dénouement – que l’on peut éventuellement trouver quelque peu convenu et rhétorique – où le film lui-même devient le lieu de l’utopie poursuivie par le groupe de musiciens.
On a davantage entendu parler de Mouton que de L’Harmonie parmi les festivaliers, cette co-réalisation de Gilles Deroo et Marianne Pistone a en effet tout pour intriguer, ce qui a opéré sur le jury : Prix spécial du jury (et Prix du meilleur premier film décerné par un autre jury).
On suit la vie dudit Mouton, un bon gars émancipé d’une mère perchée et employé consciencieux d’un restaurant à poisson dans une commune paumée du Calvados. La vie de Mouton sort de son sillon lorsque le soir d’une fête locale il se fait tronçonner le bras ; il disparaît en Picardie, laissant ses amis face à eux-mêmes dans cette localité désolée. On aimerait aimer Mouton (le film ; Mouton, le gars, on l’aime bien), mais la séduction qui opère d’abord s’effondre, principalement lors la fête de Sainte-Anne se souhaitant acmé cinémato-dramaturgique et ne décollant pas les pieds du sol. Déjà auparavant, on avait avalé – en se disant « bon, c’est pas grave, c’est juste un mauvais moment à passer… » – cette séquence d’abord très belle : Mouton et une amie se regardent puis se dévêtissent sur un lit. On passe alors d’un très beau plan moyen où les deux individus se font face à un plan serré très regrettable où Mouton tète le sein de la jeune fille : carence affective et lait de la tendresse maternelle, agnus dei, merci bien ! La curiosité initiale se transforme en ennui et indifférence en raison de la faiblesse générale de Mouton, toutes les promesses qu’il laisse entrevoir étant déçues.
Avec un geste tout aussi singulier, Yuan Fang (Distant) de Zhengfan Yang apparaît comme beaucoup plus accompli. Ce film sans dialogue est composé de 13 séquences, de plans d’ensemble fixes, même si deux d’entre eux serrent davantage (à l’hôpital et la jeune fille au bord de la piscine). Il y a d’abord un art de la composition tout à fait évident et une qualité photographique, notamment pour le dernier segment nocturne se débrouillant fort bien de l’obscurité. Si le discours sur la Chine qui en ressort ne bouleverse pas – solitude et aliénation individuelle face à la modernité galopante –, Yuan Fang trouve une dynamique qui le fait quitter le statut du film-idée théorique. Zhengfan Yang sait aussi opposer des contrepoints en instillant un humour grinçant, ceci passe par la matière visuelle (par exemple la partie de badminton dont on ne perçoit que le volant) et une bande-son sophistiquée et joueuse – chauve-souris à l’image et ténébreux croassements de corbeaux au son. (AH)
Film impressionniste et multiculturel, The Ugly One propose aussi de beaux moments de cinéma. Le jeune réalisateur français Éric Baudelaire a posé sa caméra dans Beyrouth, à la suite d’un groupe d’amis retirés de l’action terroriste. Chacun tente de gérer ses traumatismes ou sa culpabilité face à l’abandon de la lutte. Le film semble cependant être un peu victime de son processus de fabrication complexe (un mélange d’improvisation et d’adaptation libre d’une trame écrite par un ex-terroriste japonais), les éléments disparates qui le composent ayant du mal à faire corps et à créer une œuvre vraiment aboutie.
Le problème de The Unity of All Things 物之合, le nouveau projet de d’Alexander Carver et Daniel Schmidt (l’acolyte du très hype Gabriel Abrantes), c’est qu’il n’a pas grand-chose d’autre à proposer que son titre. Le film navigue dans le milieu de la recherche en physique quantique, autour d’accélérateurs de particules situés en pleine nature. On semble y être en quête d’une vérité suprême (dont les réalisateurs présupposent évidemment l’existence) qui unifierait religion, famille, science, sexe, géopolitique, nature et électrons. Mixture indigeste de grands concepts grandiloquents et abscons déclinés par des voix incantatoires, définitives et mystérieuses, The Unity of All Things 物之合 est poseur et totalement inutile.
Dernière petite découverte sympathique dans la sélection Cinéastes du Présent, celle du réalisateur et personnage principal de The Dirties, Matt Johnson. Geek de cinéma à la bouille sympathique et au naturel attachant, Matt Johnson propose, en empruntant à l’esprit bricoleur et fétichiste de Michel Gondry (Be Kind, Rewind), un petit film enlevé où deux potes apprentis cinéastes basculent de la fiction à la réalité, en finissant par perpétrer – pour de vrai – la tuerie en mode Columbine qu’ils avaient scénarisée pour leur film amateur. (FC)
Mais encore
Le président du jury, Lav Diaz, a présenté hors compétition son dernier film, Norte, the End of History, d’une durée de plus de 4h, un format plutôt court pour son auteur. La première moitié du film pique l’intérêt : une immersion dans la société philippine, dans laquelle on voit évoluer une famille pauvre qui vit au crochet d’usuriers et un groupe d’étudiants imprégnés de pensées révolutionnaires. Diaz y pose patiemment les bases d’une intrigue politico-judiciaire au potentiel dévastateur. Les personnages sont chargés de dilemmes (mettre ses actes en phase avec ses idées politiques, se dénoncer pour un crime ou laisser un inconnu être enfermé à vie, etc…) et tout est parfaitement en place pour façonner une saga passionnante. Malheureusement, le réalisateur ne semble pas enclin à suivre les pistes – et les attentes – qu’il a lui-même ouvertes. Il va préférer ici et là faire une digression à but purement documentaire, ou ajouter des éléments dramatiques nouveaux sans lien véritable avec son propre récit (le viol de la sœur), le tout sans souci apparent de gérer le rythme de son métrage, ce qui ne manque pas d’être problématique lorsque l’on s’attaque à des durées fleuves. Certains personnages évoluent vers la caricature et perdent de leur intérêt (le mari condamné à tort, que sa bonté extrême finit par déshumaniser). La mise en scène est admirable au départ (longs cadres fixes composés, bonifiés par un beau travail sur la lumière), mais son systématisme finit par jouer en défaveur du film, l’incapacité de Diaz à l’adapter aux enjeux des différentes séquences finissant par sauter aux yeux. À l’arrivée, et malgré de beaux moments, c’est la déception qui domine et l’on garde du film l’idée qu’il est plus le résultat d’une somme de décisions arbitraires que d’une vision de cinéaste.
Jean-Stéphane Bron – le réalisateur de Cleveland contre Wall Street – a consacré un documentaire au politicien suisse d’extrême-droite Christoph Blocher, figure majeure de la démocratie helvétique depuis plus de vingt ans. Projeté sur la Piazza Grande sous haute surveillance policière après une semaine d’intense polémique dans les médias suisses (car de l’argent publique a permis son financement), L’Expérience Blocher n’est pas à la hauteur de sa résonance médiatique.
Bron est tellement occupé à se questionner sur son propre positionnement, à ériger des barrières entre ses propres convictions et les idées de son sujet, à tenter de trouver un compromis pour ne pas briser le pacte de confiance qu’il a passé avec Blocher, qu’il ne se rend pas compte qu’il n’a aucun matériel de valeur autour duquel articuler son film. Blocher ne lui a rien donné. Le film accumule les plans muets du politicien dans sa voiture. Quelques moments de détentes sans intérêt. Un pseudo-plan volé où l’on voit Blocher expliquer pourquoi il souhaite garder une séquence en off. Mais rien ne transparaît. Bron annonce fièrement ses intentions dès les premières minutes, percer l’homme, ses secrets, ses zones d’ombre, faire un film et pas de politique. Mais l’homme reste opaque. Les plans aériens léchés de la voiture de Blocher évoluant dans les collines suisses donnent plutôt l’impression d’être face à une pub pour une voiture de sport que dans les travées d’un cinéma. Il reste malheureusement l’aspect politique, inévitable pour une telle entreprise. Et sur ce point, il nous semble que Blocher ressort nettement vainqueur. Bron émaille certes son film d’un discours qui rappelle les faits d’armes les plus discutables du politicien (participation à un groupe de soutien à l’apartheid, affiches nauséabondes envers les immigrés, etc…), mais jamais l’image ne donne à ressentir la teneur des mots du cinéaste, ni même n’emporte le film vers des contrées inattendues. Blocher squatte l’écran, et apparaît diablement commun, en papy vieillissant plutôt sympathique. Un journal suisse a écrit en substance que Bron avait fait l’exploit de priver Blocher de parole. C’est vrai. Mais que reste-t-il sans cette parole ? L’image de petit homme quasi inoffensif, qui prend le pas sur le discours maintes fois soupesé du réalisateur. À ce compte, Blocher s’offre une image clémente à bon compte, et l’on a l’impression tenace que le vieil ogre politique n’a fait qu’une bouchée du jeune réalisateur de gauche plein de bonnes intentions. (FC)
Dans la grille extrêmement touffue du festival, on est à l’affût des bruits et conseils. C’est ainsi qu’on se retrouve face à Journal d’un montage d’Annette Dutertre, programmé dans le cadre de la section « Histoire(s) du cinéma ». On y suit la post-production d’Adultère mode d’emploi (1995) de Christine Pascal, et particulièrement sa collaboration avec son monteur, Jacques Comets. Même s’il ne s’agit pas de l’impayable duo Jean-Marie Straub-Danièle Huillet (dans le très beau Où gît votre sourire enfoui de Pedro Costa), on est en présence d’un couple (de travail, pas à la ville ici) aux compétences bien réparties : opérations techniques pour Jacques Comets (« servile monteur » dit-il) , supervision pour Christine Pascal. Par sa qualité de réalisation (très belle utilisation du Hi‑8, eh oui!), de regard et de montage (il faut dire que cela aurait été un comble ici, mais Annette Dutertre est aussi une excellente monteuse), le film transcende largement le témoignage sur la post-production – par ailleurs passionnant – et prend la tournure d’un récit vif et prenant par sa dramaturgie.
Le montage est un temps (ici plus de quatre mois), c’est aussi un lieu (les auditoriums de Joinville et la salle de montage elle-même) qui agit comme un centre de gravité doté d’une dimension insulaire (on y mange, boit, dort) ; on aperçoit le monde, on le frôle (on s’y rend même, sur la fin), mais le monde se résume au film le temps du montage. Aussi, sans nostalgie, Annette Dutertre porte a posteriori un regard sur une époque où le cinéma n’avait pas encore tout à fait un siècle, où la pellicule s’enroulait sur la table de montage, où la colleuse se refermait bruyamment, où la Moviola rugissait. Quelque chose de crépusculaire (au sens propre puisque les fins de jours sont souvent filmées) rôde, et même la mort, ce à quoi semble correspondre, au sens figuré, la fin de tout film, non pas la fin du monde, mais la fin d’un monde. Christine Pascal n’en a pas créé d’autre après celui-là, cette femme élégante, rayonnante de vie et d’esprit, se donnera la mort en 1996. Le film lui est dédié.
L’environnement lacustre conduit également à aller à la pêche aux courts-métrages, même si cette activité fut réduite cette année. Était-ce la meilleure idée que de se rabattre sur les valeurs « sûres » ? Si nous n’avons pas vu Un conte de Michel de Montaigne de Jean-Marie Straub, a priori non concernant les deux films présentés hors compétition par João Pedro Rodrigues (O Corpo de Afonso) et du même avec João Rui Guerra de Mata (Mahjong). Le premier s’interroge : à quoi ressemblerait le corps de Dom Afonso Henriques, premier roi du Portugal ? Il est évident que la question mérite d’être posée, même à Locarno.
Rodrigues fait défiler dans un studio des éphèbes musculeux et tatoués, les déshabille, les questionne. Voilà un film qui n’est rien d’autre que son idée. Tourné au Portugal dans le principal quartier chinois du pays, Mahjong reprend toutefois l’imaginaire des films made in Macao baignant dans une atmosphère de film noir matinée de fétichisme. Soit donc une présence féminine, un homme à chapeau déambulant en voiture (Guerra de Mata), lui-même suivi par un autre type (Rodrigues). Mahjong tourne court et s’avère le recyclage d’un imaginaire déjà usité – bien mieux, particulièrement dans Alvorada Vermelha (2011) – par les coréalisateurs ; le film est ainsi terne, sans souffle et sans idée. Visiblement, Rodrigues et Guerra de Mata s’amusent bien à jouer au pistolet dans la nuit, mais il faut dire combien il nous tarde que João Pedro Rodrigues réalise son prochain « vrai » film, si La Dernière Fois que j’ai vu Macao comportait de fort beaux éclats, le réalisateur d’O Fantasma et Mourir comme un homme commence à nous manquer.
Par contre, la belle découverte du côté des courts est venue d’une valeur « non sûre » concourant pour les Léopards de demain : Les Jours d’avant de Karim Moussaoui. Le film prend place en 1994 dans la banlieue d’Alger où végète une jeunesse désœuvrée ; filles et garçons ne se rencontrent pas. L’immobilité délétère est contredite ces jours-là par la déflagration de la violence qui va lourdement peser sur les destins de Djaber et Yamina. L’approche du récit s’avère originale (mais évidemment pas révolutionnaire) puisque le film est scindé en deux parties, l’une du point de vue – masculin – de Djaber, l’autre de celui – féminin – de Yamina, et ce dans une même temporalité et avec les mêmes événements ; une manière simple mais efficace de figurer ce fossé entre les sexes. Le jeu rentré des excellents comédiens formule avec force les frustrations dissimulées derrière un masque dominé par l’hébétude et l’ennui. Les Jours d’avant est également porté par une mise en scène ambitieuse qui parvient à recréer la lourdeur du climat de ces années de plomb, elle ne se situe jamais dans l’illustration, s’attachant au contraire à des problématiques spatiales fort bien négociées – particulièrement la « seconde » scène dans les toilettes lors de la fête. La musique sacrée qui s’invite régulièrement dans le film pourrait sembler pompeuse et de trop, au contraire, elle intègre et nourrit le propos des Jours d’avant, que l’on peut voir comme un requiem poignant pour une génération perdue. (AH)
Parties signées FC pour Frédéric Caillard, AH pour Arnaud Hée