Le titre (français) du nouveau film de Naomi Kawase laissait penser à une filiation avec Yasujirō Ozu — en référence à son célèbre Voyage à Tokyo. Chez ce dernier, l’utilisation des plans « nature morte » instaure un équilibre entre humains, nature et quotidien avec une légèreté quasiment désinvolte. En revanche, chez Kawase la narration est empreinte de solennité, liée aux sujets mélodramatiques que la cinéaste affectionne (la naissance, la fragilité des liens familiaux et amoureux). Voyage à Yoshino condense les manies esthétiques de son autrice, notamment sa tendance à complexifier la narration par un ballet temporel (et visuel) — une alternance entre flashbacks et ellipses au gré d’un cut, dans une même séquence, ou encore la suspension d’un dialogue ou d’une action par des inserts sur la nature (ces derniers devenant des substituts figuratifs aux réactions parfois opaques des personnages).
Pistes suggestives
Jeanne (interprété par Juliette Binoche) s’envole pour le Japon, à la recherche d’une plante médicinale (« vision ») aux pouvoirs surnaturels et rencontre Tomo, garde forestier avec lequel elle noue une relation amoureuse, ainsi que l’amie de ce dernier, Aki, une étrange femme possédant des dons de Chaman et qui semble liée à Jeanne. Après la soudaine disparition d’Aki, et tandis que Jeanne était entre-temps retournée en France, Rin, un jeune vagabond, est recueilli par Tomo. Les deux hommes vont très rapidement se lier d’une profonde amitié. Le récit, symétrique (la partie Jeanne-Tomo-Aki d’une côté, Jeanne-Tomo-Rin de l’autre), repose finalement sur un programme sémiologique assez naïf : durant toute la première partie, la cinéaste multiplie des plans symboliques qui suggèrent ce qui va suivre, composant un ensemble narratif à décoder et à interpréter. Durant ce premier chapitre, la mise en scène fragmentée et effervescente de Kawase s’avère assez pertinente par sa manière de retranscrire le difficile — et incompréhensible — lien affectif qui lie les individus (rien ne semblait en effet rapprocher Jeanne et Tomo).
Kawase pouvait finalement s’en tenir (avec plus de modestie, sans surenchère dramatique) à ce schéma suggestif et allusif. Pourtant, la cinéaste saborde tout son travail par un épilogue explicatif, venant rationaliser les interprétations préalablement forgées ou supposées, qui révèle finalement la superficialité du récit.